Deux ans après la condamnation du gang de la rue Pelletier, la cause s'est transportée en Cour d'appel, hier, où les avocats du gang ont réclamé la tenue d'un nouveau procès.

Après avoir échoué en première instance, l'équipe des avocats de la défense menée par Me Clemente Monterosso a contesté à nouveau la validité de la preuve obtenue grâce à l'écoute électronique. Cette preuve avait permis de condamner les 15 accusés, dont cinq d'entre eux pour gangstérisme, une première pour un gang de rue au Canada. Ce gang faisait le trafic de crack et de cocaïne, rue Pelletier, à Montréal-Nord.

 

Sept des 15 hommes inculpés ont interjeté appel du jugement rendu par le juge Jean-Pierre Bonin de la Cour du Québec en janvier 2007 au centre judiciaire Gouin à Montréal. Il s'agit du chef Bernard Mathieu, de ses lieutenants, Jean-Robert Pierre-Antoine et Jean-Yves Longin-Valbrun, ainsi que des trafiquants Févrius Loukens, Roberto Aurélius, Célonie Mervilus et Réginald Casimir.

Le débat sur l'écoute électronique avait duré plus d'un mois lors de ce long procès très médiatisé. Il a été ramené sur le tapis, hier. Selon Me Monterosso, le juge Bonin aurait dû écarter la preuve d'écoute électronique, entre autres, parce que le mandat d'écoute a été accordé à partir d'une thèse «erronée» des enquêteurs. Au début de l'enquête, les policiers soupçonnaient que Bernard Mathieu était secondé par Mervilus et Roger Léger (aussi inculpé dans cette affaire). Or, l'écoute électronique a permis de découvrir que les bras droits de Mathieu étaient plutôt Pierre-Antoine et Longin-Valbrun.

De son côté, le procureur de la poursuite, Me Éric de Champlain, a répliqué avec les mêmes arguments qui avaient convaincu le juge Bonin à l'époque. Le mandat d'écoute électronique a été obtenu en toute légalité, a-t-il expliqué. L'écoute était nécessaire pour démontrer le crime de gangstérisme, alors que d'autres preuves avaient déjà été recueillies sur le réseau de trafiquants grâce à des achats faits par des agents doubles et des filatures.

Réduction des sentences

Les avocats de la défense ont aussi plaidé pour une réduction des sentences, hier, devant les trois juges de la cour d'appel. Bernard Mathieu a écopé de 10 ans de prison, soit 7 ans pour trafic de cocaïne et 3 ans pour avoir trafiqué au profit d'une organisation criminelle (gangstérisme). Or, selon Me Monterosso, cela équivaut à être condamné deux fois pour le même crime. Il juge qu'une peine de 7 ans serait suffisante.

Il n'y a pas que les avocats de la défense qui ont interjeté appel des sentences. Le représentant de la poursuite, Me de Champlain, a contesté la sentence la moins sévère prononcée par le juge Bonin. La sentence de deux ans moins un jour à purger dans la communauté dont a écopé Roberto Aurélius est «déraisonnable», selon lui. M. Aurélius est l'accusé dont on a le moins entendu parler durant le procès. Il a été condamné pour trafic de cocaïne, mais acquitté de gangstérisme. Alors qu'il était sous écoute durant l'enquête policière, Aurélius a été victime d'une tentative de meurtre dans un lieu public.

«La sécurité de la collectivité est en danger (sic) quand l'implication d'un individu dans le crime fait en sorte qu'il est victime d'une tentative de meurtre», a indiqué Me de Champlain qui a plaidé pour une sentence de trois ans de prison.

Déclarations confuses

L'un des trafiquants, Célonie Mervilus, s'est représenté seul, hier. Il a comparu par vidéo de la prison de Drummondville. Il a fait plusieurs déclarations confuses sans amener de preuve à l'appui, obligeant les juges à le rappeler à l'ordre. «Les policiers content des mensonges et le juge a pris ça pour du cash», a-t-il lancé, plaidant son innocence. «Je ne suis pas un contestataire, je suis contre la justice», a-t-il aussi dit. L'homme dans la quarantaine a éclaté en larmes en évoquant le risque d'être expulsé vers Haïti, son pays d'origine, lorsqu'il aura terminé de purger sa peine au Canada. L'un de ses coaccusés, Clinton St-Thomas, a déjà été expulsé vers Haïti.

Les juges, Lorne Giroux, Paul-Arthur Gendreau et François Doyon, ont mis la cause en délibéré.