Dix ans après le drame, les deux policiers impliqués dans la mort du sans-abri Jean-Pierre Lizotte écopent d'une sanction de 25 jours sans salaire imposée par le Comité de déontologie policière. Mais la décision ne mettra peut-être pas un point final à l'affaire puisqu'au moins un des policiers songe à interjeter appel.

Sylvain Fouquette et Giovanni Stante, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), ont été négligents et insouciants lors de l'arrestation de M. Lizotte, avait statué le Comité dans une décision rendue le 13 août dernier. Le Comité souligne que les gestes des policiers «constituent des manquements graves aux devoirs et normes de conduite des policiers».

 

Le 5 septembre 1999, vers 2h du matin, une bagarre éclate entre des employés d'un restaurant du boulevard Saint-Laurent et Jean-Pierre Lizotte, parce qu'il se masturbe devant les clients. Les deux policiers sont appelés sur les lieux de la bagarre vers 2h46. Ils séparent les individus, et éloignent M. Lizotte de la scène. Mais l'homme décide de revenir vers les terrasses bondées. Jean-Pierre Lizotte donne des coups de pied aux policiers, avant que l'agent Stante ne réplique par des coups de poing. Blessé, M. Lizotte est finalement emmené en voiture de police à l'hôpital.

Au matin, le médecin constate que l'homme souffre de fractures de la colonne vertébrale et est paralysé des membres inférieurs. Jean-Pierre Lizotte est mort deux mois plus tard des suites d'une pneumonie.

L'affaire a fait grand bruit à l'époque comme un cas de brutalité policière ayant causé la mort. Mais l'agent Giovanni Stante a été acquitté en 2002 par un jury des accusations d'homicide involontaire, de voies de fait graves et d'avoir causé des lésions corporelles.

Le Comité de déontologie policière a aussi blanchi les agents d'avoir utilisé une force excessive dans leur intervention. Les coups de poing de l'agent Stante au visage de M. Lizotte étaient justifiés pour le maîtriser, écrit le Comité, tout en se disant «conscient du fait qu'il est difficile pour un citoyen d'accepter ou de comprendre qu'un policier puisse donner des coups de poing à la figure d'une personne».

Par contre, le Comité est d'avis que les agents auraient pu éviter que la situation ne se détériore en plaçant M. Lizotte en état d'arrestation dès leur arrivée. Pour cette raison, estime le Comité, les agents ont été négligents et insouciants.

L'avocat de Giovanni Stante, Michael Stober, se dit en désaccord avec cette conclusion du Comité. «Les gestes qu'il a posés ont été appuyés par des experts, y compris celui appelé par le Commissaire à la déontologie policière», dit l'avocat. Celui-ci songe à en appeler de la décision devant la Cour du Québec.

Le Comité a choisi de suspendre sans traitement les policiers pendant 25 journées ouvrables pour négligence et insouciance lors de l'intervention, une journée pour ne pas avoir bouclé la ceinture de sécurité de M. Lizotte pendant son transport, et 20 jours pour ne pas avoir informé l'infirmière aux urgences que l'homme avait reçu des coups de poing au visage par l'agent Stante. Ces peines seront purgées de façon concurrente.

Les agents ont 30 jours pour porter leur cause en appel.

 

Des procédures qui s'éternisent

Vingt-cinq jours ou pas, ça ne changera pas grand-chose à l'humanité», dit Serge Lareault, rédacteur en chef du journal L'Itinéraire, qui connaissait Jean-Pierre Lizotte. «Ce qu'il faut retenir, c'est le côté démesuré des procédures. Je pense qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui espère que les proches meurent ou se découragent. On ne peut pas ne pas penser à l'affaire Villanueva, qui risque de prendre des années avant qu'il y ait un petit blâme porté sur un policier.»