L'agression sauvage perpétrée hier contre deux chauffeurs de taxi montréalais sème la consternation chez les confrères de travail des victimes, dont une se trouve toujours dans un état critique.

Il était facile d'arracher des réactions des conducteurs de taxi ce matin. Tous se disent ébranlés par ce qui est arrivé à deux de leurs collègues, poignardés durant leur quart de travail.

Le vol est le mobile du crime. Deux suspects de 21 et 27 ans comparaîtront cet après-midi au palais de justice de Montréal. Ils feront face à des accusations de vol qualifié, de tentative de meurtre et d'agression armée. L'autre suspect, une femme, est toujours en cavale.

À l'angle de la rue Garnier et de l'avenue Mont-Royal, quelques voitures de la compagnie Diamond, la même que celle des victimes, étaient garées dans une halte ce matin.

Frédéric Balin déplore les violences commises contre ses collègues - dont un de ses amis - mais ne se montre pas surpris. «Je pense que ça va arriver de plus en plus à cause de la situation économique. Les gens croient à tort qu'on a de l'argent dans nos poches», peste l'homme de 59 ans, qui arpente les rues de la ville depuis 15 ans.

Selon lui, aucun chauffeur ne reste insensible face à de tels incidents. «J'ai moi-même déjà été attaqué au couteau il y a quelques années sur la rue Beaubien. Il ne voulait pas payer», raconte M. Balin.

Il trouve un peu absurde que les chauffeurs doivent eux-mêmes assurer leur sécurité.

Un code 13 lancé sur les ondes par le répartiteur exhorte les chauffeurs de taxi des environs à voler au secours d'un des leurs. «Si c'était un policier et non un chauffeur qui était intervenu, les choses auraient peut-être été différentes», explique M. Balin.

Son collègue Mirbel Sevère semble pour sa part trouver ridicule la soudaine médiatisation de l'incident, sous prétexte que les agressions et vols contre les conducteurs de taxi surviennent sans arrêt. «Moi, on me vole tout le temps. La plupart du temps par des femmes et des jeunes. Ils débarquent à une lumière sans refermer la portière», déplore l'homme qui conduit des taxis depuis 22 ans. Contrairement à M. Balin, il encourage le recours au code 13 et fait peu confiance aux autorités. «Si on arrive en premier, on va tabasser ces gars-là. Les policiers ne feront rien et nous traite en plus comme si on vendait de la drogue», plaide-t-il.

Même son de cloche chez Stéphane Exantis qui apprécierait un meilleur soutien des autorités. «Je laisse très souvent partir des clients sans payer. Ils n'ont pas d'argent ou se montrent agressifs», souligne-t-il.

M. Exantis est un ami proche du chauffeur Mario Chérémond, l'homme qui a prêté main-forte à la première victime des agresseurs hier, avant d'être à sont tour poignardé à plusieurs reprises. Ébranlé par la mésaventure de son ami, Stéphane Exantis croit toutefois que le rôle des chauffeurs de taxi n'est pas d'en faire autant. «On n'est pas des policiers», résume-t-il.