Parce que les arguments invoqués sont insuffisants ou non fondés, le juge Marc David a refusé de faire avorter le procès de Paul Fontaine comme le lui avait demandé l'avocate de celui-ci hier.

Arrêté après une cavale de sept ans, Fontaine, membre en règle des Hells Angels, est jugé pour le meurtre d'un gardien de prison et une tentative de meurtre sur un autre gardien, survenus en septembre 1997. Son procès, qui a commencé il y a presque cinq mois, s'est achevé au début de la semaine. Les jurés délibèrent depuis mardi.Or, hier matin, Me Carole Beaucage, avocate de Fontaine, a présenté une requête formelle en avortement de procès au motif que de «nombreux incidents» avaient irrémédiablement entaché le processus. Parmi ces motifs, il y avait le fait que les jurés, alors qu'ils se trouvaient dans le garage du palais de justice, hier et avant-hier, avaient vu le fourgon cellulaire dans lequel Fontaine est transporté. Selon elle, ils ont pu en déduire que Fontaine est un type dangereux, d'autant plus que ce fourgon est escorté de deux véhicules de la SQ et que les trois véhicules se déplacent sirène hurlante et gyrophares allumés.

«Hier soir, quand j'ai embarqué dans le camion, il a allumé ses gyrophares en montant la côte (du garage.) J'ai vu des jurés, dont le numéro deux. Elle s'est revirée et a regardé», a expliqué Fontaine, qui faisait entendre le son de sa voix pour la première fois depuis le début de son procès. Il a aussi raconté que la situation s'était reproduite le matin même. «J'ai vu clairement le juré numéro quatre. Il a regardé passer les trois véhicules.»

Mais voilà, après vérification auprès des agents des services correctionnels, il a été établi qu'il n'est pas possible de voir qui se trouve à l'intérieur d'un fourgon cellulaire. Le magistrat a donc déclaré ce motif non fondé. «On ne sait même pas s'ils l'ont identifié», a dit le juge, avant de mentionner que le jury devait certainement savoir que Fontaine est détenu.

Me Beaucage se plaignait aussi du fait que les constables spéciaux avaient changé les serrures du bureau qui lui avait été alloué pendant le procès. Cela s'est fait à son insu, pendant qu'elle était en salle d'audience, dit-elle. «Il y a une atmosphère lourde. J'ai entendu des choses épouvantables de cinq constables. Il y a quelque chose de malsain qui se déroule», a-t-elle dit au juge. Le magistrat a signalé qu'il avait déjà réglé cette question.

En outre, Me Beaucage reprochait à la Couronne d'avoir divulgué de la preuve tardivement, et à Stéphane Gagné, délateur et principal témoin à charge, d'avoir parlé du polygraphe pendant son témoignage, alors qu'il n'en avait pas le droit. Là encore, le juge a rappelé qu'il avait déjà réglé ces questions auparavant.

En fin de compte, le juge a décidé qu'il n'y avait aucun motif valable pour faire avorter le procès. Vers 14h15, il a donc rappelé les 12 jurés et leur a recommandé de continuer leurs travaux.