Depuis le démantèlement du gang des «narcotorpilles» il y a deux ans, le juge Jean-Pierre Boyer connaît si bien le dossier qu'il a refusé, hier, de prononcer les peines de six des accusés tant qu'il n'aura pas fini d'instruire un procès déjà en cours en marge d'importation et de trafic de cocaïne. «Je suis mal à l'aise, mais il vaut mieux ne pas entendre toute autre représentation dans ce dossier afin d'éviter un empoisonnement judiciaire», a-t-il dit.

De façon à ne pas retarder indûment le processus, le juge Boyer a toutefois accepté d'entériner une suggestion commune des avocats en condamnant un des accusés, Ruben Dario Diaz Quincino, à 54 mois de détention pour son implication dans une filière qui alimentait en cocaïne un des grands manitous du clan des «narcotorpilles», Gilbert Kelly, toujours recherché par la police. En septembre 2007, l'autre cerveau de cette organisation, qui a ses bases dans l'est de Montréal, Sarto Berthiaume, a été condamné à 12 ans de pénitencier.

 

Vétérans du narcotrafic, Kelly, 64 ans, et Berthiaume, 58 ans, faisaient à la fois dans l'importation, la distribution et la vente au détail de la cocaïne. La partie la plus originale est qu'ils importaient la cocaïne dans des cylindres en forme de torpille. Des équipes de plongeurs les attachaient sous la coque de bateaux en provenance du Venezuela, à l'insu des capitaines et des équipages. Ce système de camouflage aurait été utilisé au moins trois fois. En 2004, des chargements de 134 et 52 kg ont été saisis en Colombie et au Nouveau-Brunswick. Au moment de la rafle policière, en décembre 2006, un envoi semblable était en préparation pour Sept-Îles, sur la Côte-Nord.

Mis en accusation dans ce dossier aux multiples ramifications, Daniel Rivard, Steve Morin et Martin Belhumeur ont déposé une requête en arrêt de processus. Après deux jours d'audition, la semaine dernière, le juge Boyer a ajourné lorsqu'il a appris que Belhumeur, âgé de 38 ans, était mort le matin même au Centre de détention de Rivière-des-Prairies. Avec un aumônier et des travailleurs sociaux, des constables spéciaux en poste au palais de justice de Montréal ont fait part discrètement de la mauvaise nouvelle aux proches de Belhumeur qui se trouvaient dans la salle d'audience. Le procès doit reprendre le 18 février. «Ils ont fait du très bon travail», a tenu à préciser Me François Blanchette, de la poursuite fédérale.

C'est un informateur infiltré dans l'organisation qui a permis aux policiers de la GRC de mener à bien toutes ces enquêtes. Outre les Kelly et Berthiaume, ils ont remonté jusqu'à Christopher Tune, du gang de l'Ouest. Ce dernier est en attente de procès pour l'importation de 500 kg de cocaïne. L'enquête, qui a duré deux ans, a aussi démontré des liens avec les Hells Angels.