Quand sa mère est morte, en Iran, l'agent de la Sûreté du Québec Mehrdad Golzarian, en poste à Rawdon, n'a pas pu obtenir le congé de trois jours prévu à la convention collective. Son représentant syndical, Jean-Guy Dagenais, lui a dit qu'il n'y avait pas droit parce qu'il n'assistait pas aux funérailles.

Depuis, M. Dagenais est devenu président du syndicat des agents de la SQ, l'Association des policiers provinciaux du Québec. L'APPQ est au coeur de deux poursuites judiciaires intentées par M. Golzarian, un homme qui, selon la Commission des droits de la personne, a été victime de discrimination et de harcèlement en raison de son origine ethnique. L'audition de l'une des deux causes commencera lundi au palais de justice de Saint-Jérôme.

 

«Quand j'ai reçu l'appel de Téhéran (la capitale de l'Iran) qui m'annonçait la mort de ma mère, j'étais sous le choc, raconte M. Golzarian. J'ai organisé une cérémonie de deuil avec mon frère à Toronto. À mon retour à Rawdon, j'ai demandé à être payé pour ces trois jours d'absence. Mon patron a refusé. M. Dagenais était d'accord avec lui. Il m'a dit qu'il fallait assister à des funérailles pour avoir droit au congé.

«Je suis encore en colère quand j'y repense. Bien sûr, je n'ai pas assisté aux funérailles, qui se déroulaient à Téhéran. Qu'est-ce que cela signifie? Les policiers québécois pure laine ont droit au deuil, et pas les policiers immigrés?»

Selon la convention collective de la SQ, tous les membres du syndicat ont droit à trois jours de congé au décès d'un de leurs parents. On ne dit pas qu'ils doivent pour cela assister aux funérailles. Cet incident n'est qu'un exemple parmi d'autres. M. Golzarian affirme avoir subi plusieurs brimades, tant de la part de ses patrons que de ses collègues... et de son représentant syndical, avec qui il travaillait.

Un bon jour, M. Dagenais s'est rendu chez M. Golzarian avec un autre policier, qui s'est mis à fouiller son appartement afin d'y déceler des signes d'une présence féminine. C'était soi-disant par «camaraderie», a affirmé M. Dagenais à l'enquêteur de la Commission des droits. L'enquêteur n'a pas accepté cette explication. M. Dagenais «minimise la fouille pratiquée... en sa présence dans l'appartement», peut-on lire dans son rapport, qui est daté de 2000 mais qui a été rendu public hier.

Michel Saint-Marseille, inspecteur de la SQ à la retraite, s'est intéressé au cas de M. Golzarian. Il a déclaré à la Commission des droits que «ce n'est pas par camaraderie» que le manteau de service de M. Golzarian avait été jeté à la poubelle. Selon lui, ses «supérieurs immédiats... auraient dû prendre des positions rigoureuses à l'égard des auteurs des faits et gestes ainsi que des propos de nature discriminatoire». M. Saint-Marseille accuse la SQ d'avoir voulu «étouffer cette affaire».

Le rapport de la Commission des droits confirme des cas flagrants de harcèlement: les rapports rédigés par M. Golzarian ont été déchirés à plusieurs reprises, les poignées de sa valise ont été arrachées, son casier a été jeté aux poubelles, son numéro matricule a été inscrit sur les photos de criminels recherchés, un agent a fouillé dans ses papiers personnels, un autre a déposé un oiseau mort sur le pare-brise de sa voiture, des collègues lui ont vendu des billets pour un tournoi de golf mais lui ont dit qu'il devrait s'asseoir à l'écart avec sa conjointe, etc. La Commission des droits a demandé à la SQ de lui verser 75 000$ en compensation. La SQ n'a pas payé.

M. Golzarian est tombé en dépression et a arrêté de travailler. La SQ a cessé de le payer. Il a multiplié les démarches devant les tribunaux, mais sans succès. Il dit que le syndicat a collaboré avec la SQ contre lui. Il lui réclame 5,4 millions de dollars. Il conteste aussi le processus de grief, qui est en contravention avec les chartes des droits, selon lui. Le syndicat a répliqué avec une requête en irrecevabilité: c'est cette requête qui sera entendue lundi.

Joint au téléphone, M. Dagenais, le président du syndicat, a nié tous les faits allégués par M. Golzarian. «Il a été bien traité, a-t-il dit. Il n'y a pas eu de discrimination.» Quant au congé pour deuil, il maintient qu'il doit être accordé seulement si un policier participe à une cérémonie funéraire. La SQ n'a pas donné suite à notre demande d'entretien.