Attention: cet article n'est pas un canular. L'histoire d'un homme qui a lancé quelques arachides à un écureuil de Westmount aboutira sur un procès. Il met en scène un homme de 58 ans, en chair et en os, et un écureuil affamé. De Westmount.

À l'automne 2006, par une matinée plutôt froide, Bruce Kert, musicien professionnel, se baladait tout bonnement en bordure du parc de Westmount. Quand tout à coup, il aperçoit quelques arachides par terre. Il décide alors de les ramasser et se dit intérieurement qu'il va les balancer au prochain écureuil qu'il va croiser et dont les représentants sont nombreux dans le secteur.

 

Quelques secondes plus tard, un gros écureuil, qui venait de descendre rapidement d'un arbre, surgit. M. Kert, de façon candide, dira-t-il à La Presse, lui balance la manne. Mais un policier fait le guet. En moins de temps qu'il ne faut pour le réaliser, il rédige un constat d'infraction et le remet au fautif, à l'homme, évidemment.

Hier après-midi, deux ans plus tard, la juge Dominique Jolie, de la cour municipale de Montréal, a approuvé la requête en rétractation de jugement à l'égard de M. Kert et fixé l'ouverture d'un procès au 4 mai prochain. L'amende qui était au départ de 75$ se chiffre maintenant à 455$. Il faut dire que l'accusé a omis de se présenter à une première audience en rétractation, il y a plus d'un an. Pour cette raison, il a même été passible d'emprisonnement.

Depuis le début de ce feuilleton, M. Kert a toujours soutenu qu'il en était à sa première infraction. Qu'il n'avait jamais nourri un écureuil auparavant. Et qu'il ne comprenait pas pourquoi on ne lui avait pas donné un simple avertissement. «Je n'allais pas recommencer», plaide-t-il.

Hier, la juge lui a demandé s'il y avait des panneaux aux abords du parc prévenant les citoyens du règlement municipal interdisant de nourrir les animaux en liberté. «Non», a déclaré Bruce Kert, stupéfait par la tournure des événements.

«Je n'ai pas d'avocat, a-t-il ensuite expliqué, à la sortie de la salle d'audience. C'est fou, non? Je ne vais quand même pas embaucher un avocat pour avoir lancé des peanuts à un écureuil. Pour une amende de 455$.»

Squirrelgate

La mairie de Westmount a déjà expliqué que le fait de nourrir la faune sauvage pouvait causer des problèmes graves de santé publique. On admet qu'il est toutefois de coutume de donner un avertissement avant d'imposer une amende, comme on le fait dans les cas de manquement à la propreté.

Décontenancé par la tournure des événements, Bruce Kert a choisi d'exorciser sa fâcheuse histoire en écrivant une chanson blues. Squirrelgate est le titre de cette chanson maintenant téléchargée sur YouTube. Il espère que les contribuables montréalais réaliseront comment leurs taxes sont parfois dépensées «dans des procès insensés.»

 

Montréal et les écureuils

En général, dans tous les arrondissements et villes liées de l'agglomération de Montréal, il est interdit de nourrir pigeons, goélands, écureuils et tout autre animal vivant en liberté, comme des mouffettes ou ratons laveurs. Ce règlement sur «les nuisances» est édicté en vertu de la Charte de Montréal. Selon les arrondissements ou villes, une première infraction peut être passible d'une peine minimale de plus ou moins 20$, ne dépassant pas 1000$. Après trois infractions, l'amende peut atteindre 2000$.