Une femme d'origine haïtienne qui a contracté un mariage blanc pour légaliser sa situation au Canada, et qui a réclamé la rente de conjoint survivant au décès de ce «mari» de convenance, restera mariée malgré tout, au grand dam de la veuve véritable, qui se voit ainsi privée de ladite rente.

La juge de la Cour supérieure Chantal Corriveau n'a pas trouvé le moyen d'annuler ce mariage, comme le demandait celle qui a réellement fait vie commune avec monsieur. Celle-ci, que nous nommerons Mara, a été la conjointe de fait d'Yvon (nom fictif) pendant huit ans, de 1995 jusqu'à son décès, le 5 février 2003. Après la mort d'Yvon, Mara a demandé et obtenu la rente de conjoint survivant. Un an et demi plus tard, on l'a avisée toutefois qu'elle n'y avait pas droit parce qu'une autre femme, que nous appellerons Rachel, réclamait cette rente, de même qu'une rente d'orphelin pour un enfant. Or, comme Rachel avait épousé Yvon le 11 décembre 1998 à Montréal, faisait valoir la Régie des rentes, la rente lui revenait de droit.

 

Mara serait alors tombée des nues, affirmant n'avoir jamais été informée de ce mariage, même si elle partageait le quotidien de monsieur.

Elle s'est alors tournée vers les tribunaux et a demandé l'annulation du mariage de sa rivale pour bigamie et parce que le mariage avait été simulé aux seules fins d'immigration. Elle a fait valoir que Rachel n'avait pas le droit d'épouser Yvon puisqu'elle s'était déjà mariée à Haïti avec un dénommé Claude Clairmont, en 1994. Par ailleurs, le mariage avec Yvon avait été contracté uniquement pour les besoins d'immigration, comme le soutenait d'ailleurs une autre femme, Dominique, entremetteuse et témoin au mariage de Rachel et Yvon.

Qui dit vrai?

Cette nébuleuse affaire s'est embrouillée un peu plus avec les documents supposément officiels émanant d'Haïti, que les deux parties ont soumis à la juge Corriveau. Ceux de Mara attestaient le mariage de Rachel en 1994, tandis que ceux de Rachel attestaient qu'il n'y avait pas eu de mariage.

Devant tant d'embrouilles, la juge a conclu que Mara n'avait pas réussi à démontrer la nullité du mariage de Rachel au motif de bigamie. Rachel, qui serait arrivée au Canada en 1997, s'est mariée une nouvelle fois en 2004 avec l'homme qui serait apparemment le père de ses deux enfants, nés en 1996 et en 2001. Elle aurait aussi vécu à Boston avec lui.

Difficile de savoir le fin fond de l'affaire puisqu'elle a multiplié les mensonges, notamment avec l'enquêteur de la Régie des rentes, ainsi que devant le tribunal. D'ailleurs, la juge signale qu'elle ne croit pas Rachel. Mais c'est quand même elle qui aura la rente de conjoint survivant du défunt Yvon même si, au procès, elle a changé d'idée et dit qu'elle y renonçait.