Sans remettre en cause la décision de la juge Sophie Bourque d'arrêter le processus judiciaire relativement au meurtre du jeune Raymond Ellis, le directeur des poursuites criminelles et pénales ainsi que le président de l'Association des procureurs sont intervenus, hier, pour appuyer l'équipe de la Couronne dans le dossier.

Tous deux, qui se prononcent rarement en public, ont cru nécessaire de rappeler le professionnalisme de Me Louis Bouthillier, l'avocat qui a dirigé l'équipe de la poursuite.

 

«Au moment où l'on se parle, je ne suis pas à l'étape de trouver des coupables», a expliqué le directeur des poursuites criminelles et pénales, Louis Dionne. «J'ai confiance en l'équipe de procureurs qui était au dossier et je fais confiance au chef adjoint à Montréal. Ce qui est le plus important pour nous pour l'instant, c'est de réunir rapidement un comité pour étudier si le dossier sera porté en appel.»

Le grand patron des procureurs de la Couronne du Québec s'est dit «surpris» de la décision de la juge Sophie Bourque. Lundi, le tribunal a ordonné la suspension complète et définitive des accusations de meurtre non prémédité portées contre cinq jeunes hommes présumément liés aux gangs de rue.

La juge Bourque reproche notamment à la Couronne d'avoir menti au tribunal en omettant de spécifier qu'une infiltration policière en prison avait été organisée afin de démontrer le parjure du témoin principal dans l'affaire. Elle a également soutenu qu'une preuve trompeuse avait été utilisée dans le but de faire condamner les accusés. Cette preuve a toutefois été mise sous scellé afin de protéger l'identité d'un informateur de la police.

«On avait proposé à la juge une solution pensions-nous mitoyenne, c'est-à-dire un avortement de procès qui aurait permis à la juge de recommencer devant un nouveau jury» a souligné Louis Dionne. On s'est engagé à ne pas utiliser la preuve qui a, semble-t-il, choqué la juge. Et à ce moment-là, on pensait que justice pouvait être rendue. Manifestement ce n'est pas le remède que la juge a retenu. On peut épiloguer longtemps sur la place publique, il nous reste maintenant l'appel.»

Le président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, Me Christian Leblanc, a également soutenu Me Louis Bouthillier.

«Ce dossier a été mené par des procureurs qui sont chevronnés, professionnels compétents et respectés», a-t-il déclaré à La Presse. «La réputation de Me Bouthillier est irréprochable, tant vis-à-vis de ses collègues de la défense que de ceux de la Couronne.»

Quel message pour les gangs de rue?

Au moment où les cinq accusés recouvraient la liberté lundi, plusieurs se sont questionnés sur le message lancé par ce jugement aux membres et sympathisants des gangs de rue.

«Je respecte le jugement, mais je le trouve étonnant», a affirmé le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur. «Le message qu'on envoie est inquiétant car le jugement laisse sous-entendre que les gangs de rue sont au-dessus des lois. On parle ici de la mort d'une victime innocente qui n'était pas liée au monde criminel. Avec une mesure extrême comme l'arrêt des procédures, il est normal que Monsieur-Madame Tout-le-monde perde confiance dans le système judiciaire.»

Sur le terrain, les intervenants qui travaillent auprès des jeunes susceptibles d'être enrôlés dans les gangs de rue ont toutefois affirmé qu'ils ne craignaient pas que les jeunes interprètent la décision comme un laissez-passer pour meurtriers.

«Ce qu'ils devraient comprendre et ce que je souhaite qu'ils comprennent est que, que tu sois avocat, policier ou criminel, tous sont égaux devant la justice», dit Harry Delva, de la Maison d'Haïti.

«Je crois que les jeunes sont en mesure de faire la part des choses», ajoute le directeur d'équipe de Rivières-des-Prairies, Pierreson Vaval. «Ce que cette cause nous démontre, c'est l'importance de ne pas couper les coins ronds.»