Même s'il est quasi sourd et aveugle, incontinent et maintenant atteint de la maladie d'Alzheimer, Philippe Hamelin, 93 ans, pourrait se retrouver en prison pour avoir agressé ses deux filles. Au pénitencier, on l'accueillerait et on s'en occuperait. Mais cette incarcération aurait-elle un sens?

C'est le débat qui avait cours, hier après-midi, devant le juge André Perreault. Le magistrat doit décider de la peine à imposer au vieillard qui, au terme de son procès, a été déclaré coupable d'inceste et de voies de fait sur ses filles. Ces crimes ont été commis dans les années 50 et 60, mais les victimes n'ont trouvé la force de le dénoncer qu'il y a quatre ans.

Évidemment, le temps a fait son oeuvre sur la santé physique et même mentale de M. Hamelin. Actuellement, il habite dans une résidence pour gens semi-autonomes, où il égrène ses jours en écoutant la radio et en récitant son chapelet. Hier, calé dans un fauteuil roulant avec des écouteurs sur les oreilles pour entendre, il semblait faire peu de cas de ce qui se passait dans la salle d'audience.

Me France Duhamel a fait valoir qu'une peine de sept à neuf ans de prison était indiquée pour les crimes commis par M. Hamelin. Comme les Services correctionnels sont obligés de prendre toute personne qui leur est référée par les tribunaux, elle est d'avis que c'est à eux de décider ce qu'il convient de faire avec M. Hamelin. Peut-être pourra-t-il bénéficier d'un congé humanitaire après un moment, dit-elle.

Aucun risque de récidive

Me Hélène Poussard, avocate de l'accusé, convient que selon la jurisprudence, M. Hamelin mériterait une peine de trois à sept ans de pénitencier. Mais vu son âge et son état de santé, lui imposer sept ans serait le condamner à mort, dit-elle. Une peine de prison vise deux buts: écarter un individu pour protéger la société, et réhabiliter le détenu. Or, dans le cas présent, M. Hamelin ne présente aucun risque de récidive vu son âge et son état, et aucun programme de réhabilitation ne sera entrepris avec lui pour les mêmes raisons, a-t-elle fait ressortir. Elle a aussi signalé que la santé du vieillard avait périclité depuis l'automne, au point où il devra déménager dans une ressource mieux adaptée à son état, vu qu'il a besoin de soins de trois à quatre heures par jour maintenant. Il n'a plus aucune qualité de vie, dit-elle. Par ailleurs, elle est d'avis que le pénitencier, même celui de Archambault qui dispose d'un hôpital, n'est pas outillé pour prendre soin d'un détenu aussi âgé et mal en point.

Le juge Perreault rendra sa décision le 27 janvier. Les filles de M. Hamelin ont assisté à l'audience, hier. Une peine de prison véritable, ce n'est pas ce qu'elles recherchaient en portant plainte. Ce qu'elles auraient voulu par-dessus tout, c'est qu'il reconnaisse ses torts, qu'il plaide coupable. Mais il ne l'a jamais fait. «C'était ça plus qu'une sentence... Dans le fond, il fait pitié», a dit Marcelle.