Le maire de Saint-Lambert, Sean Finn, a présenté aux médias vendredi dernier les détails du nouveau bail que la Ville a signé avec le Country Club de Montréal (CCM). L'entente valable jusqu'en 2050 est jugée très généreuse par des citoyens. Deux d'entre eux ont même écrit au premier ministre Jean Charest pour s'en plaindre, a appris La Presse.

Le maire Finn et la directrice générale de la Ville, Michèle Lortie, estiment que la nouvelle entente profitera aux citoyens de Saint-Lambert. Le club de golf paiera un «loyer» annuel de 40 000$. Avec l'ancien bail, le loyer aurait été, selon les chiffres de la Ville, de 86 129 $ en 2009.

 

De plus, avec ce nouveau bail emphytéotique, si le club prouve qu'il a investi 40 000$ pour «maintenir ou augmenter» la valeur du terrain et de la bâtisse, il ne paiera rien. Le bail précédent ne prévoyait pas cet arrangement. Comme l'entente mentionne que le CCM investira 1 275 000$ dans les infrastructures, le terrain et les bâtiments d'ici décembre 2015, soit environ 182 143 $ par an en moyenne, le «loyer» sera, la plupart du temps, considéré comme payé par les immobilisations.

Le CCM a investi 8 450 890 $ de 1986 à 2008, soit 367 430 $ par an: c'est deux fois plus que ce qui sera investi d'ici 2015. Le CCM n'a payé aucun impôt foncier de 1973 à 2005 à cause d'une clause de l'ancien bail.

Dorénavant, le club paiera environ 206 000 $ de taxes par an. Le maire Finn s'en réjouit. D'autant que l'agglomération de Longueuil vient d'ajuster la facture d'impôts fonciers du CCM après que La Presse eut fait part du fait que le club était taxé selon le taux résidentiel et non au taux commercial. Ce traitement fiscal privilégié est une des plaintes que des citoyens ont exprimées au gouvernement du Québec en octobre.

Il faudra toutefois ôter 10 000 $ aux 206 000 $ car la Ville devra, en vertu du bail, dépenser 10 000 $ par an pendant 42 ans pour entretenir une clôture longeant le club, un tunnel et une voie d'eau du golf.

Le CCM ne paiera pas à la Ville les droits de mutation de 104 609 $ prévus pour la signature d'un bail de plus de 10 ans. L'administration Finn a accepté que ce montant soit versé dans un fond en fidéicommis que le CCM utilisera pour payer des frais d'avocats afin de régler ses conflits avec les voisins du golf.

Négociatrice du bail pour la Ville, bien qu'elle soit membre du club, Mme Lortie a également dit que le CCM va finalement payer «dans les 60 jours» les trois loyers dus pour les années 2006, 2007 et 2008. Mais dans le bail, il est stipulé que si le CCM «peut démontrer qu'il a procédé à des dépenses admissibles», ces sommes dues, qui représentent environ 250 000 $, pourront ne pas être payées en totalité.

Le bail donne toutefois plusieurs avantages aux citoyens de Saint-Lambert, dont une réduction de 10% sur le droit d'entrée au CCM. Les jeunes de Saint-Lambert pourront aussi profiter d'une clinique de golf de deux semaines, «selon un tarif à être établi», dit le bail.

Le maire a dit vendredi qu'en négociant ce bail, «nous avons cherché à assurer la pérennité d'une institution lambertoise». Le président du CCM, Jacques A. Nadeau, était tout sourire lors de la conférence de presse, car ce bail, a-t-il dit, permettra d'améliorer le parcours du golf et la bâtisse en empruntant de l'argent. Mais c'est une des craintes des citoyens: que le CCM donne le terrain de la Ville en garantie. Car la situation financière du club n'est pas bonne. Il fait des déficits. Plusieurs dizaines de membres l'ont quitté ces derniers mois pour se joindre notamment au club de la Vallée du Richelieu. Les membres actionnaires se sont vus imposer une cotisation spéciale de 40 $ par mois pendant trois ans. «On n'avait pas le choix de le faire, a dit M. Nadeau. Mais le bail va nous aider de ce côté-là.»

Citoyens mécontents

Des citoyens de Saint-Lambert sont mécontents de ce bail. «Il est étrange que la Ville loue un terrain occupant 5 % de sa superficie pour seulement 40 000 $ par an pendant 42 ans alors que sa valeur foncière est de 5,9 millions, dit le citoyen Jean-François Pontbriand. Ça me semble nettement insuffisant. La plupart des installations de Saint-Lambert auraient besoin d'une cure de rajeunissement. Il y a un manque de place pour les cours de natation. On propose de faire payer les associations pour qu'elles louent les terrains. J'aime beaucoup le golf, mais on est loin de subventionner une maison des jeunes ou un centre d'hébergement pour personnes âgées.»

Membre du club de golf, le maire Finn ne partage pas ce point de vue. Il explique qu'il ne faut pas perdre de vue que «les citoyens pourront reprendre le terrain de golf à la fin du bail, en 2050».

«À titre de citoyen, je suis favorable à ce que la Ville loue ses installations en considération de conditions financières adéquates, dit de son côté Jean-Claude Champagne. Cependant, cette entente à long terme est consentie pour un loyer annuel dérisoire et est assortie de conditions désavantageuses pour la Ville. C'est ici une question d'équité entre les citoyens d'une communauté et les membres de ce club qui profitent de ce patrimoine à vil prix.»

Outrés, deux citoyens ont écrit au premier ministre Charest et à la Commission municipale du Québec pour se plaindre. Ils réclament notamment «d'assujettir la municipalité de Saint-Lambert au contrôle provisoire de la Commission municipale du Québec jusqu'à la fin de l'examen de ce dossier».

Louise Quintin, attachée de presse de la ministre des Affaires municipales et des Régions, a dit à La Presse que la direction régionale du ministère rencontrera en janvier un représentant de Saint-Lambert de même que les plaignants qui ont obtenu une vérification sur des allégations de mauvaise gestion et de conflit d'intérêts dans ce dossier du CCM.