Les enquêteurs de la police de Montréal se demandent s'il y a un lien entre le meurtre d'un trafiquant d'héroïne assassiné à Pointe-Claire en 2007, la mystérieuse disparition du mafioso Mario Marabella il y a trois semaines, et l'incendie du bar Uncle Pete's, survenu dans la Petite Italie dans la nuit de dimanche à lundi.

Le bistro-bar Uncle Pete's Café, établi dans la Petite Italie à Montréal, a été ravagé par les flammes vers 4 h 30, lundi matin. Selon les premiers éléments de l'enquête menée par le Service de police de la Ville de Montréal, un cocktail Molotov serait à l'origine du brasier.

 

Rencontré dans un autre de ses restaurants du quartier hier matin, le propriétaire du Uncle Pete's Café avait peine à s'expliquer comment il aurait pu être la cible d'un incendie criminel.

«Personne ne m'en voulait», affirme Peter Morina. «Cela fait 30 ans que j'ai des commerces dans la Petite Italie et plus de 35 ans que j'ai des bars à Montréal, Laval, Saint-Michel et Montréal-Nord et je n'ai jamais eu de problèmes. On ne m'a jamais ciblé, je n'ai même jamais été volé.»

«Les gens qui fréquentent mon café sont des ingénieurs, des avocats ou des habitués du secteur, poursuit-il. Je les connais surtout en tant que clients, mais ce sont tous du bon monde.»

Selon les informations recueillies par La Presse, le trafiquant de drogue Hasan Eroglu, avant son assassinat en 2007, était un habitué du bar Uncle Pete's. «Je n'ai jamais entendu ce nom», soutient toutefois Peter Morina.

La police s'interroge

Arrêté à trois reprises par la police, Hasan Eroglu, 39 ans, a été abattu à l'arrière d'une résidence de la rue Lakeshore, à Pointe-Claire, le 5 juillet 2007. Une voisine a fait la découverte du cadavre en début de matinée. Personne n'a encore été arrêté, mais la police est convaincue qu'il s'agit d'un règlement de comptes. Trafiquant d'héroïne reconnu, Eroglu était proche du clan italien. Il aurait été éliminé parce qu'il commençait à prendre un peu trop de place dans le milieu interlope montréalais. Fort de ses attaches à Toronto, il aurait fait fi des avertissements des Hells Angels et de la mafia montréalaise de se tenir loin du trafic de cocaïne et autres rackets qui sont leur apanage dans la grande métropole.

«C'est du travail bien fait», avait déclaré un policier, après le meurtre, en précisant qu'une arme de fort calibre avait été trouvée sur place. Dans les jours qui ont suivi, des amis d'Eroglu venus de Toronto ont fait connaître leur mécontentement en faisant pression sur des mafieux montréalais.

Les choses semblaient s'être tassées jusqu'à ce que la police apprenne la disparition du petit caïd Mario Marabella, qui cherchait lui aussi à se faire une place au soleil depuis l'extradition aux États-Unis du parrain sicilien, Vito Rizzuto, en 2007. Marabella a été enlevé le 4 décembre par trois ou quatre hommes alors qu'il allait faire le plein d'essence dans une station-service de Laval. Le même soir, sa voiture a été retrouvée incendiée dans l'est de Montréal. Il reste introuvable depuis.

Déjà condamné pour prêt usuraire, Marabella trempait dans plusieurs activités illicites, dont le trafic de marijuana à grande échelle. À l'instar d'Eroglu, il s'est fait lui aussi beaucoup d'ennemis ces dernières années.

C'est en ce sens que la police s'interroge sur le fait de savoir si l'enlèvement de Marabella et l'incendie d'origine criminelle du Uncle Pete's Café ont été commis dans le cadre de ce conflit inter-clans impliquant le narcotrafiquant Hasan Eroglu.

Un bar tranquille

Quoi qu'il en soit, selon un résidant de la rue Mozart dont la fenêtre de la cuisine donne sur le bistro-bar, l'endroit était un lieu très tranquille. «Je suis surpris de la thèse de l'incendie criminel, dit-il. Avec mes amis, on blaguait souvent que c'était un bar de petits vieux.»

Les enquêteurs en incendies criminels tentaient encore hier midi de confirmer la cause de l'incendie qui a complètement calciné l'intérieur du premier étage de l'immeuble. Les deux étages supérieurs, qui logent une firme d'ingénieurs et une firme de comptables, seraient intacts, selon un employé.

Peter Morina affirme que son commerce est détruit. «Les télévisions plasma, le climatiseur et la machine à expresso ont complètement fondu», dit-il.