Malgré les avis favorables des agents de gestion de cas de la prison, la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) a refusé de libérer le caïd Moreno Gallo en raison de son manque de transparence et de ses valeurs criminelles encore trop bien ancrées. «Vos valeurs n'ont pas changé. Vous avez continué de jouer un rôle actif et soutenu dans le milieu criminel. Vous niez cependant avoir posé des actes criminels», indique-t-on dans le jugement rendu public hier.

Condamné pour un meurtre commis en 1973, Gallo était en liberté depuis 24 ans quand il a été ramené derrière les barreaux pour «bris de conditions», peu après l'opération antimafia Colisée, en novembre 2006. Durant l'enquête, les policiers l'ont vu à maintes reprises en compagnie des gros noms du clan Rizzuto et des Hells Angels. «Vous auriez été impliqué dans la prise de décisions, vous auriez réglé des conflits avec les Hells Angels et auriez même amené et partagé de l'argent provenant du crime avec les têtes dirigeantes du crime organisé italien», indiquent les trois commissaires, en citant un rapport de la GRC.

 

De toute évidence, les commissaires ont accordé peu de valeur aux longues et vagues explications de Gallo sur ses activités depuis sa sortie de prison en 1983. Sauf d'avoir aidé sa femme à devenir millionnaire avec sa boulangerie et ses investissements immobiliers, Gallo, 63 ans, s'est fait une telle notoriété au sein de la mafia montréalaise qu'il en est devenu l'un des plus influents. Avant son incarcération, en avril 2007, les spécialistes de la lutte au crime organisé le considéraient même comme un candidat de premier rang à la succession du parrain sicilien Vito Rizzuto, incarcéré aux États-Unis.

Lors de son passage devant la CNLC, Gallo n'a pas tout nié, mais il a beaucoup nuancé. «Il y en a qui prennent plaisir à me nommer, je suis victime de ma réputation. Oui, je les connais (en parlant des Rizzuto). Oui, j'ai eu des relations avec des gens du crime organisé, mais je n'appartiens à aucun gang. Ce sont les livres qui disent ça», a-t-il dit sur un ton peu convaincant. «Pourquoi alors vous surnomme-t-on le Grand Moreno et vous appelle-t-on pour régler des conflits?» de demander une commissaire.

«C'est que je suis un peu plus connu que vous dans ces affaires-là, madame», a-t-il répondu en badinant, avant de s'en remettre encore une fois à sa réputation et surtout sa propension naturelle à se mêler de tout. «Oui, on peut dire que ça prend du pouvoir pour faire ça. C'est comme ça depuis 1973, je suis perçu comme un homme de paix», a-t-il expliqué. Il a ensuite ajouté le plus sérieusement du monde: «J'ai vécu toute ma vie dans la Petite Italie, tout le monde se connaît. Si je peux aider une personne à dormir tranquille, je le fais. Mais je comprends, aujourd'hui, que je ne peux pas le faire avec certaines personnes», a-t-il dit à un autre commissaire qui lui reprochait d'avoir entretenu des liens avec Tony Vanelli, également impliqué dans le meurtre d'un trafiquant de drogue, en 1973, au centre-ville de Montréal.

«Mais c'est un pattern de la mafia, ça!» de s'exclamer un commissaire. «Mes relations avec ces gens-là, c'est terminé. C'est peut-être une organisation, mais ils se sont tous fait arrêter», a noté Gallo, qui a refusé de dire si la mafia existe. «Mais alors, qu'est-ce que vous pensez des délateurs?» d'enchaîner un commissaire. «Je ne serai jamais un délateur», a répliqué du tac au tac le mafioso calabrais. «De toute façon, il faut que je me retire de tout ça, sinon je vais finir mes jours en prison», a-t-il conclu.

Outre de rester en prison, Moreno Gallo doit aussi affronter une demande d'expulsion du Canada à cause de ses mauvaises fréquentations. Même s'il a émigré à Montréal à l'âge de 8 ans, il n'a jamais demandé sa citoyenneté canadienne.