Pour la quatrième fois, hier, la Cour suprême du Canada a refusé de renverser la décision du gouvernement canadien d'extrader Karlheinz Schreiber vers l'Allemagne. En entrevue à La Presse, l'homme d'affaires a promis de continuer à se battre pour rester de ce côté-ci de l'Atlantique.

Mais M. Schreiber peut dormir tranquille pendant encore quelques mois. En mars dernier, le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a accepté de suspendre son extradition pour lui permettre de témoigner devant la commission d'enquête sur l'affaire Mulroney-Schreiber.

Dirigée par le juge manitobain Jeffrey Oliphant, cette commission a pour mandat de répondre à des questions concernant la relation d'affaires entre M. Schreiber et l'ancien premier ministre du Canada, Brian Mulroney. Le commissaire Oliphant devra entre autres déterminer d'où venaient les centaines de milliers de dollars versés par M. Schreiber à M. Mulroney, peu après son retrait de la vie politique, et quelle entente liait les deux hommes.

La commission a déjà commencé son travail. Mais les premières audiences publiques, qui devaient avoir lieu au début du mois de février, ne débuteront qu'à la fin mars, en raison de problèmes «technologiques». C'est donc dire que le dépôt du rapport, qui était initialement prévu pour le 12 juin 2009, pourrait aussi être reporté. «Ce report de quelques jours aura une incidence sur le calendrier global de la Commission», a en effet admis le juge Oliphant dans un communiqué de presse diffusé mercredi et qui est passé largement inaperçu.

Joint chez lui par téléphone, Karlheinz Schreiber a déclaré à La Presse qu'il s'attendait à la décision d'hier. «Vous devez comprendre que la Cour suprême ne se penche normalement que sur 70 à 80 causes par année et elles doivent être d'importance nationale... Donc non, je n'étais pas surpris», a-t-il dit.

«La Cour n'y peut rien: c'est une décision politique», a-t-il martelé, reprenant un refrain qu'il a déjà formulé auparavant.

Néanmoins, M. Schreiber a indiqué qu'il n'avait pas encore épuisé tous ses recours et qu'il allait continuer, même après la commission Oliphant, à se battre pour éviter d'être placé de force sur un avion en direction de l'Allemagne.

«Nous avons d'autres méthodes dont nous devons discuter. Mais ce n'est pas le moment d'en parler», a-t-il dit, sans donner plus de détails.

Un quatrième refus de la cour

Cela fait maintenant neuf ans que le lobbyiste international, homme d'affaires et marchand d'armes parvient à éviter l'extradition en multipliant les procédures judiciaires et les démarches médiatiques de toutes sortes. C'était la quatrième fois que la Cour suprême rejetait ses arguments, hier. Cette fois-ci, il faisait appel d'une décision de la Cour d'appel de l'Ontario du 6 août dernier.

De son côté, l'Allemagne tente depuis des années d'obtenir son extradition pour qu'il subisse son procès pour des accusations de fraude, d'emploi d'un document contrefait et de corruption d'un fonctionnaire. L'homme d'affaires rendu ici tristement célèbre par l'affaire Airbus a été en Europe l'une des figures centrales d'un vaste scandale de pots-de-vin impliquant l'Union chrétienne démocrate, en Allemagne, et qui a mené à la démission de son président, Helmut Kohl.

L'avocat William Kaplan, auteur de deux livres sur le scandale Airbus, ne serait pas surpris si Karlheinz Schreiber continuait de multiplier les procédures judiciaires dans l'avenir. «M. Greenspan est un avocat qui a beaucoup d'imagination. S'il a d'autres cartes dans sa manche, je peux vous assurer qu'il les sortira.»

«Je ne suis pas un expert en matière d'extradition, mais si je comprends bien, Karlheinz Schreiber pourrait même faire une autre demande au ministre, a ajouté M. Kaplan. Si alors le ministre la rejetait, il pourrait alors demander une révision de cette demande, révision qui irait encore une fois jusqu'à la Cour suprême du Canada...»

«À un moment donné, quelqu'un va devoir dire: stop! Mais je ne pense pas que ça va arriver bientôt.»