Dans un jugement très attendu, la Cour suprême du Canada a conclu jeudi que les milliards de dollars issus des cotisations à l'assurance-emploi, mais dépensés pour réduire le déficit budgétaire à Ottawa, n'ont pas été détournés par le gouvernement.

Elle a néanmoins donné en partie raison aux syndicats québécois dans la cause qui les opposaient au fédéral sur le sort des surplus de la caisse d'assurance-emploi.

A l'unanimité, les juges du plus haut tribunal du pays ont déclaré que les cotisations à cette caisse ont été perçues illégalement pour les années 2002, 2003 et 2005. Il s'agit d'une victoire partielle mais symbolique pour les syndicats du Québec.

Cependant, la Cour ne juge pas globalement illégal l'usage fait par le gouvernement des surplus de cette caisse. Les syndicats accusaient depuis des années le gouvernement fédéral d'avoir «détourné» les surplus qu'ils estiment à 57 milliards $ depuis 1996. La Cour suprême en vient à la conclusion qu'il n'y a pas eu détournement de fonds.

Pour les années durant lesquelles le tribunal a conclu à l'illégalité des perceptions, le lien entre les cotisations payées par les travailleurs et les bénéfices qu'ils pouvaient en tirer a été rompu, explique-t-on dans le jugement.

Durant cette période, les cotisations n'ont pas été perçues directement par le Parlement; il y a plutôt eu une délégation implicite de cette perception. Puisque cela équivaut à imposer une taxe et qu'il ne peut y avoir de taxation sans représentation, cette pratique a été jugée inconstitutionnelle.

Ce jugement très technique ne signifie pas nécessairement que l'argent se retrouvera dans les poches de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), qui sont à l'origine de cette cause.

En effet, la Cour suspend pendant 12 mois sa déclaration, une période pendant laquelle le gouvernement est invité à refaire ses devoirs pour régler cette situation.

Les syndicats, qui avaient vu leur demande déboutée par la Cour supérieure du Québec et la Cour d'appel par le passé, ont accueilli le jugement avec enthousiasme.

Le secrétaire général de la FTQ, René Roy, croit qu'un nouveau chapitre de l'histoire s'ouvre à ce stade.

«Si le gouvernement fédéral ne passe pas une loi pour nous donner raison, on va être obligés d'intenter une autre poursuite contre le fédéral comme créancier», a-t-il indiqué.

Les cotisations perçues durant les trois années problématiques - et non les surplus - sont évaluées à 20 milliards $ par an, soit près de 60 milliards en tout. M. Roy souhaite que ces sommes soient réinvesties par le gouvernement fédéral pour améliorer le régime d'assurance-emploi, notamment en bonifiant les prestations et en assouplissant les conditions d'admissibilité.

Pour l'ancien président du Syndicat national des employés de l'aluminium d'Arvida (TCA), Jean-Marc Crevier, dont le syndicat a été à l'origine de la contestation, la décision «va donner du gaz» aux travailleurs.

Cette saga judiciaire qui s'est échelonnée sur plusieurs années a interpellé non seulement les syndicats, mais également les partis politiques, puisque la cause comprenait également un volet sur le pouvoir du fédéral de dépenser.

A ce chapitre, le tribunal n'a pas jugé que le gouvernement d'Ottawa outrepassait ses pouvoirs législatifs.