Bien qu'il soit emprisonné depuis 31 ans, Denis «Poker» Racine n'est pas encore prêt à recouvrer la liberté. Cette fois, le système carcéral n'est pas en cause. De l'avis de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC).il s'est lui-même fermé les portes depuis deux ans par sa conduite et sa sempiternelle propension à n'en faire qu'à sa tête.

L'exemple le plus récent: il a poussé l'audace jusqu'à menacer par lettre la directrice d'un pénitencier qui refusait de l'envoyer dans un établissement situé plus près du domicile de ses vieux parents, à Québec. Il a certes obtenu son transfert, mais le programme de rééducation qu'il suivait n'existe pas au pénitencier à sécurité maximale de Donnacona, où il est gardé depuis février 2007.

 

Lors de son audience devant la CNLC, la semaine dernière, Racine y est allé d'un long réquisitoire pour convaincre les commissaires de le transférer dans une maison de transition, mais en vain. «Je suis réellement tanné d'être en prison. J'ai 52 ans, mon père et ma mère vieillissent - ils ont 75 et 73 ans - et je veux être près d'eux avant qu'ils partent. Sinon j'aurai plus rien dans quatre ou cinq ans, et ça va être pire pour ma réhabilitation», a-t-il dit, du désespoir dans la voix.

Depuis sa condamnation à vie pour le meurtre d'un adolescent de 16 ans à la Place des Nations, le 28 juin 1976, Racine est sans doute le bagnard qui a le plus souvent défrayé la chronique à cause de ses multiples frasques derrière les barreaux. Prise d'otages qui a duré plusieurs jours au pénitencier Archambault, évasion du palais de justice de Montréal en tirant dans un mur de la Cour d'appel, agressions à répétition contre des gardiens et des détenus, etc. ont marqué ses dix premières années en taule. Il s'est fait une telle réputation de violence qu'il est encore craint à l'intérieur des murs. «Pendez-moi ou passez-moi à la chaise électrique», avait-il lancé, en apprenant qu'il pourrait passer 25 ans en prison.

Alcool et magouilles

Devant la CNLC, Racine assure n'avoir été impliqué dans aucune histoire de violence depuis 20 ans. Il reconnaît par contre avoir trempé dans la fabrication d'alcool frelaté et la vente de tabac et autres produits de cantine. Ces magouilles sont un «symbole de pouvoir» à l'intérieur des murs, a-t-il par contre reconnu. «Et les lettres de menaces à la directrice d'un pénitencier ce n'est pas de la violence, ça?» a demandé une commissaire qui le connaît bien pour l'avoir rencontré lors d'une autre audience.

Autres éléments qui agacent la CNLC: sa consommation récurrente d'alcool et sa toute récente décision d'abandonner le programme scolaire qu'il suivait depuis le printemps. «La boisson, c'est pour m'évader quand j'en ai par-dessus la tête de la prison. Quant à mon retrait de l'école, c'est parce que je suis tellement stressé que je ne dors plus», a-t-il dit.

Tout en exhibant une pile de rapports, les commissaires se sont dits inquiets qu'il ait très peu changé au fil des années. Les diagnostics des experts indiquent qu'il reste un «sujet socialement faible, avec tendance à s'améliorer». En tenant compte des limites de sa personnalité, largement modelée par la prison il va sans dire, ils estiment que ses chances de réinsertion sociales sont faibles, cependant que son risque de récidive va de «modéré à élevé» s'il est libéré.

En raison de sa très longue incarcération - il a dit lui-même être resté en liberté à peine cinq ans depuis l'âge de 12 ans - il est clair dans l'esprit des commissaires que les valeurs criminelles de Racine sont encore bien ancrées et qu'il ne connaît pas vraiment les règles sociales normales. D'où ses agissements douteux, qui ont culminé par un vol dans un magasin d'alimentation et qui l'ont ramené en prison en 1994, après seulement quatre mois en maison de transition. C'est la deuxième fois depuis 2000 qu'il se voit refuser une libération conditionnelle.