Décidément, l'enquête Colisée ratisse large. Cette fois, c'est un jeune criminaliste de Laval, Gerardo Nicolo, que la GRC a appréhendé pour avoir tenté de corrompre un de ses policiers en lui achetant des informations au profit de la mafia montréalaise.

Après avoir passé la nuit en prison, Me Nicolo, 40 ans, a été remis en liberté, hier, à l'issue de sa comparution en Cour du Québec. À la suggestion de la poursuite, le juge Serge Boisvert l'a obligé à verser une caution de 10 000$. Il fait face à des charges criminelles de corruption et d'entrave à la justice. Ces crimes sont passibles de 14 ans d'emprisonnement.

 

Dans un communiqué aussi vague que succinct, la GRC affirme avoir ouvert une enquête après avoir reçu «certains renseignements que l'accusé pouvait vouloir se servir de ses relations pour soutirer des informations policières en échange d'une somme d'argent». À l'en croire, ces «tentatives de corruption répétées à l'égard d'un agent de la paix» se sont produites entre le 1er avril et le 6 septembre dernier.

Quel policier était mêlé à cette affaire? Qui a dénoncé l'avocat? Comment a-t-il approché le policier? Quelles informations cherchaient-ils? Combien d'argent a-t-il offert? Pour qui travaillait-il? Toutes ces questions sont restées lettres mortes, tant auprès de la GRC que des enquêteurs du projet Colisée et de l'avocat Mario Longpré, qui pilote le dossier d'accusation.

Comme c'est souvent le cas, la réponse, en tout ou en partie, se trouve vraisemblablement dans la liste des personnes et des endroits que Me Nicolo s'est vu interdire de fréquenter par le juge, en attendant la tenue du procès. En l'occurrence, on parle de Luis Marconi et Nicola Dimarco, déjà condamnés dans des affaires de trafic de drogue, mais aussi, et surtout, de Moreno Gallo, un des mafiosi les plus influents à Montréal, et le jeune caïd Giuseppe De Vito, proche du clan Rizzuto.

En plus d'être toujours activement recherché dans le cadre de l'opération Colisée, enclenchée en novembre 2006, De Vito est un client, sinon une connaissance de Me Nicolo. Dans ses conditions de mise en liberté provisoire, l'avocat mis au ban ne peut non plus se rendre dans quatre établissements qui sont tous, par hasard, propriété de De Vito ou dans son giron. Soit l'atelier de motocyclettes Montreal Chopper, rue Provencher, à Saint-Léonard, le Café QVS, rue Bélanger, le restaurant Route 66, rue Jarry Est, et le bar Beaches, rue Langelier, pied-à-terre de son organisation.

Durant l'enquête Colisée, De Vito et son acolyte Alessandro Succapane avaient été chargés de dénouer une chicane entourant la saisie d'un chargement de 218 kilos de cocaïne à l'aéroport Montréal-Trudeau, en décembre 2005. Pour avoir fait entrer à l'insu de tout le monde une plus grande quantité de drogue que prévu, les organisateurs de l'importation avaient dû payer 300 000$ au clan Rizzuto. De Vito avait aussi été mêlé à un conflit qui a failli dégénérer en guerre ouverte avec une famille mafieuse de Granby impliquée dans l'exportation de marijuana aux États-Unis.

Bardé de diplômes universitaires en informatique, en économie et en finance, Me Nicolo a commencé à pratiquer le droit seulement en 2002. Il s'est fait connaître quand il a défendu l'ancien motard et agent d'infiltration Éric Nadeau dans une affaire de possession d'armes. Il représente généralement des petits criminels ou des conducteurs arrêtés en état d'ébriété. Présomption d'innocence oblige, le Barreau du Québec lui permet de continuer sa pratique jusqu'à nouvel ordre, en dépit des graves accusations qui pèsent sur lui.