Un homme est mort, hier matin, lorsque la dalle de béton d'un garage souterrain s'est effondrée sur son camion. Évacués, les résidants de l'immeuble à logements de 17 étages érigé au-dessus du garage ne veulent plus retourner chez eux. La ville ordonne l'inspection des bâtiments voisins où sont aménagés des garages similaires.

La journée avait commencé comme d'habitude pour Mahamat Khazali Saleh.

Livreur pour l'entreprise Courrier dentaire Médic-express, ce solide gaillard de 6 pieds 4 pouces plaisantait avec ses collègues à l'intérieur du garage souterrain, dans un espace réservé au parc de camions de l'entreprise, au 135, rue Deguire.

 

Vers 8h40, il a grimpé à bord de son véhicule, prêt à partir.

Mais le destin avait d'autres plans pour lui. Une immense dalle de béton s'est détachée de l'étage supérieur pour s'effondrer sur son véhicule. Il n'a eu aucune chance de s'en tirer.

La scène s'est déroulée sous le regard horrifié de quelques témoins, surtout des collègues de travail de la victime.

Jean-Mathieu Dechatigny était du nombre. «On a entendu les voitures tomber et il y avait plein de poussière de béton», a raconté le jeune homme, encore secoué.

Le livreur s'est précipité vers la porte de garage pour déguerpir. Elle était fermée. «On a réussi à la soulever à deux. Un de mes collègues a crié: «On ne peut pas laisser Mahamat là!»» a ajouté M. Dechatigny.

Un étage plus haut, Mohammed, un résidant de l'immeuble, et son fils de 23 mois venaient à peine de poser le pied sur le bitume du garage lorsque environ 900 mètres carrés du plancher ont cédé. «Il y a eu un bruit terrible, comme une explosion», a confié ce père de famille, en état de choc. «Il y avait beaucoup de poussière. Lorsque j'ai pu voir au travers, j'ai aperçu un homme et une femme, hystériques, qui pointaient un camion à moitié enseveli sous les décombres à l'étage du dessous. Le gars pleurait en criant: «Mahamat est en-dessous! Mahamat est en-dessous!»» a rapporté Mohammed.

Lorsque La Presse est arrivée sur les lieux, quelques minutes à peine après l'effondrement, environ 25 camions de pompiers étaient sur place. Les centaines de locataires de l'immeuble de 17 étages annexé au stationnement étaient évacués.

Ils étaient nombreux sur le trottoir. Plusieurs étaient en panique, le cellulaire vissé à l'oreille.

Pour les pompiers, il s'agissait d'une opération extrêmement difficile en raison des risques d'effondrement. Ils ont travaillé d'arrache-pied pendant plusieurs heures pour dégager la victime des décombres à l'aide de marteaux-piqueurs et de scies rotatives.

Ginette Desrosiers, autre collègue de travail de la victime, a raconté avoir presque vécu le drame en direct. Elle venait de poser le pied dans le local de l'entreprise, aménagé dans l'immeuble, lorsque d'autres employés ont fait irruption, catastrophés. «Le plancher est tombé! Les gars sont en-dessous! « a lancé l'un d'eux.

Elle s'est précipitée sur les lieux de l'effondrement. «Il y avait de la poussière partout, mes collègues étaient en choc. Un des livreurs a tenté, sans succès, de sortir Mahamat coincé sous le ciment. Il s'est blessé à la main», a souligné l'employée.

Un peu plus loin, Rita Chidiac estimait avoir frôlé la mort. Chaque matin, elle monte dans sa voiture vers 8h30 pour se rendre au travail. Hier, elle a traîné un peu chez elle avant d'aller travailler. Le stationnement s'est effondré sur sa voiture, mais elle n'était pas à l'intérieur. «J'ai vu toutes les voitures écrasées, une dizaine», a confié la jeune femme, secouée.

Parfait gentleman

Plusieurs employés de Courrier dentaire Médic-express s'étaient rassemblés dans le hall d'une résidence pour personnes âgées située à proximité lorsqu'ils ont appris le décès de leur collègue, en après-midi.

Un silence glacial a parcouru l'endroit. La plupart des confrères de Mahamat Khazali Saleh essuyaient leurs yeux rougis, d'autres ont fondu en larmes. Mais tous n'avaient que de bons mots à propos de ce drôle de livreur - décrit comme un parfait gentleman - toujours bien mis dans son veston et parfumé. «C'était une personne fantastique, ça fait six mois qu'il est à Montréal et il écoutait des chansonniers québécois pour apprendre le français», a souligné son patron Marc Delangis.

La victime, âgée de 39 ans, était originaire du Tchad. L'homme habitait dans l'immeuble tout juste à côté des lieux du drame et n'avait apparemment pas de famille ici. «Il travaillait fort pour amener son frère ici. Des choses comme ça peuvent être évitées, les immeubles doivent être inspectés», a déploré M. Delangis.

Tour à tour, la députée de L'Acadie Christine St-Pierre, le maire Gérald Tremblay et son homologue de l'arrondissement de Saint-Laurent, Alan DeSousa, ont défilé devant les décombres.

Ce dernier a ordonné l'inspection de tous les garages souterrains des immeubles du secteur.

Plusieurs locataires évacués ont relevé le piteux état du garage, notamment la présence de fissures dans le plancher et d'une importante fuite d'eau il y a quelques semaines, à la suite du bris d'un tuyau dans le stationnement.