L'avocate de la défense a mis en évidence, hier, un rare trou de mémoire du délateur Stéphane Gagné, principal témoin à charge au procès de l'ancien motard Paul Fontaine. Ce dernier est accusé du meurtre prémédité du gardien de prison Pierre Rondeau, survenu le 8 septembre 1997, dans le secteur Rivière-des-Prairies, dans l'est de Montréal.

Avec sa candeur habituelle, Gagné, qui en est à sa troisième semaine de contre-interrogatoire, s'est excusé, hier, devant le jury de ne pas se souvenir en détail de tous les préparatifs entourant le meurtre de la gardienne de prison Diane Lavigne qu'il a commis trois mois plus tôt, en compagnie cette fois d'André «Toots» Tousignant, autre aspirant Hells Angels Nomads.

 

Mitraillé de questions par Me Carole Beaucage, Gagné a précisé un peu les circonstances de l'assassinat de la gardienne de prison, mais il ne se rappelle plus s'il est allé sur la Rive-Sud avec Tousignant chercher la petite Ford Escort qui a facilité leur fuite, dans la soirée du 26 juin 1997. Il n'est pas en mesure non plus de dire s'il était là quand la voiture a été stratégiquement placée dans le stationnement d'un centre commercial de Laval.

Dans le but manifeste de miner sa crédibilité, Me Beaucage, tout en exhibant les notes d'une déposition faite le 25 mars 1998, indique à Gagné qu'il avait raconté s'être rendu à Laval à bord de sa fourgonnette de type Yukon. Il affirmait alors avoir ramené Tousignant à Montréal après que celui-ci eut laissé la Ford Escort dans l'aire de stationnement d'un resto-bar de Laval. «J'aimerais ça vous le dire encore, mais je ne m'en souviens pas. J'ai un trou de mémoire, je m'en excuse», a dit Gagné.

Lors de ce même témoignage, Gagné se souvient par contre très bien avoir déclaré que c'est Paul Fontaine qui devait initialement commettre le meurtre de Diane Lavigne en compagnie d'André Tousignant. À en croire le célèbre délateur, Fontaine a refusé de s'impliquer parce qu'il préparait déjà l'assassinat du gardien Rondeau, à Rivière-des-Prairies. Selon Gagné, Fontaine ne voulait pas non plus se servir d'une motocyclette pour commettre un crime aussi audacieux et risqué. «Paul ne voulait pas faire ça en bicycle. Il préférait faire ça à un arrêt, au coin d'une rue, comme ça été le cas pour l'autre gardien», a souligné Gagné, en parlant du meurtre de Pierre Rondeau.

Me Beaucage a sauté sur l'occasion pour démontrer au jury que Gagné, dans toutes les déclarations qui ont suivi son arrestation en décembre 1997, n'avait jamais rapporté aux enquêteurs l'implication de Fontaine dans le meurtre de la gardienne de la prison de Bordeaux. Le procès est présidé par le juge Marc David, de la Cour supérieure. Gagné reviendra à la barre aujourd'hui.