En enlevant les appareils de loterie vidéo dans certains bars, alors qu'elle en laisse dans d'autres bars, situés parfois juste en face, Loto-Québec fait de la discrimination et s'arroge un pouvoir que la loi ne lui accorde pas.

Voilà, en résumé, ce que Me David Banon a plaidé en Cour supérieure, hier, dans le cadre d'une requête en injonction visant à forcer Loto-Québec à restituer les appareils qu'elle a retirés dans des bars de les régions de Trois-Rivières et de Québec, en attendant que la requête sur le fond soit entendue. Ces bars qui ont ainsi perdu des appareils sont ceux qui en comptaient quatre et moins et qui sont situés dans des zones qualifiées de «fragilisées». En clair, il s'agit de zones pauvres.

 

Ces retraits ont été effectués en vertu d'un plan concocté par Loto-Québec, visant à combattre le jeu pathologique. Quantité de ces appareils ont été déplacés dans les Ludoplex, ces mini-casinos établis pour le moment à Trois-Rivières et à Québec, mais qui devraient essaimer ailleurs, comme dans la couronne nord de Montréal et à Sherbrooke.

Pour la trentaine de tenanciers de bar qui ont décidé de combattre devant les tribunaux, le plan de Loto-Québec est de la poudre aux yeux. Les Ludoplex sont eux-mêmes situés dans des zones «fragilisées», a fait valoir Me Banon, hier. Par ailleurs, cela crée de l'injustice et de la concurrence déloyale. «Dans une même zone fragilisée, les concurrents qui ont la chance d'avoir cinq appareils et plus ne sont pas touchés. Eux, ils peuvent continuer à jouir de leur licence... On ne peut pas transformer un pouvoir de réglementation en pouvoir discrétionnaire. Ça ouvre la porte à de la discrimination, vous en avez là un exemple patent», a plaidé Me Banon.

Le juge Wilbrod Claude Décarie a semblé peu impressionné par ces arguments pour le moment. «Vous dites que la loi ne permet pas à Loto-Québec d'exploiter un système de loterie comme elle l'entend. Si je vous suis, elle serait liée à jamais et ne pourrait jamais diminuer le nombre d'appareils», a-t-il lancé? Le magistrat a aussi indiqué qu'il ne voulait pas entrer dans les motifs politiques de la chose, et a résumé la question à trancher ainsi: Loto-Québec avait-elle le droit de retirer les appareils après 42 mois de préavis, comme elle l'a fait?

L'audition de cette requête opposant David à Goliath se poursuit aujourd'hui. Rappelons qu'en décembre 2007, 60 établissements au Québec (concentrés à Québec et à Trois Rivières) possédant quatre appareils et moins s'étaient vu retirer leurs appareils. Loto-Québec donnait un dédommagement en argent.

Michel Fuller, propriétaire d'un bar à Saint-Jérôme, où l'on retrouve trois appareils, appréhende le jour où son tour va venir. Sans ces appareils, bien des commerces ne pourront pas survivre, dit-il.

«L'État a créé des joueurs. S'ils enlèvent les machines, qu'il les enlève partout. Sinon ils tuent les bars. Celui qui a les revenus des appareils peut faire des spéciaux sur sa bière. L'autre qui s'est fait enlever ses appareils ne pourra pas suivre. Ce n'est pas de la libre concurrence ça», de dire M. Fuller, qui a assisté à une partie de l'audience, hier.

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