Le cheveu se fait un peu plus rare et tourne légèrement au gris. Mais pour le reste, le délateur Stéphane Gagné, qui a contribué à la chute du chef des Nomads Maurice Boucher, en 2002, semble le même. Hier, il a calmement raconté comment il avait tué la gardienne de prison Diane Lavigne, le 26 juin 1997, dans le but de prendre du galon dans l'organisation des Hells Angels.

Condamné à la prison à vie pour son implication dans les meurtres de deux gardiens de prison, Gagné témoigne ces jours-ci au procès de Paul Fontaine. Ce dernier est accusé du meurtre du gardien de prison Pierre Rondeau, survenu le 8 septembre 1997, expédition à laquelle Gagné a participé. Fontaine et Gagné ne s'étaient pas vus depuis 11 ans. Hier, quand le délateur est entré dans la salle d'audience sous très haute surveillance policière, les deux hommes se sont longuement regardés.Questionné par le procureur de la Couronne Randall Richmond, Gagné a raconté son parcours criminel, d'abord comme voleur, puis comme vendeur de drogue, ainsi que son arrivée dans le monde des motards, en 1994. Il a décrit Fontaine comme étant un lieutenant de Maurice Boucher, et son patron dans la vente de drogue du quartier gai. Selon Gagné, un peu avant l'été 1997, Fontaine lui a demandé d'aller faire de la surveillance près de la prison de Rivière-des-Prairies, pour repérer des «screws». Pour Gagné, cette demande signifiait clairement qu'ils allaient commettre un meurtre. Gagné a obéi sans poser de questions et fait de la surveillance à quatre ou cinq reprises. Mais l'occasion de passer à l'acte est toutefois venue peu de temps après, par l'entremise d'André Tousignant. Ce dernier était un «hangaround Nomads», comme Fontaine. Une journée, André Tousignant a appelé Gagné en lui disant qu'ils avaient un «screw à faire à Bordeaux». Ils ont planifié leur coup: ils feraient le meurtre en roulant sur l'autoroute 15, à moto. Ils se sont pratiqués une fois, puis sont passés à l'action le soir du 26 juin 1997.

Ils ont suivi une camionnette qui sortait du stationnement de la prison de Bordeaux et qui s'engageait sur l'autoroute 15. C'était leur seule exigence, car ils frappaient au hasard n'importe quel gardien de prison. Tousignant, plus lourd, conduisait la moto, tandis que Gagné était assis à l'arrière, avec deux armes. Sa tâche était de tirer. Ce qu'il a fait lorsque la moto a été rendue à la hauteur de la camionnette de Mme Lavigne. «J'ai sorti l'arme et j'ai tiré deux coups. J'ai fini en tirant en avant, dans le parebrise, puis j'ai jeté l'arme sur l'autoroute.»

Les deux hommes se sont vite rendus dans un centre commercial près du boulevard Saint-Martin, où ils avaient laissé leur véhicule de fuite. Ensuite, Gagné est allé brûler les casques de moto et les vêtements que Tousignant et lui avaient portés pour commettre le crime.

Rappelons que Tousignant a disparu lorsque Gagné est devenu délateur (en décembre 1997), et qu'il a été abattu en février 1998.

Gagné poursuit son témoignage ce matin.