C'est difficile à croire, mais le spectaculaire attentat au camion-citerne qui a détruit le bunker des Hells Angels à Sorel, le week-end dernier, serait le résultat d'une banale histoire de triangle amoureux.

Deux des présumés auteurs de cette surprenante attaque ont comparu par vidéoconférence, hier, depuis le Centre de prévention de Rivière-des-Prairies. Steve Carbonneau, 40 ans, décrit comme le cocu, et son ami de longue date Stéphane Blanchette (40 ans) répondent à des accusations de complot, d'incendie criminel et de possession de matières incendiaires.

 

Dans le cas de Carbonneau, les dénonciations font également état d'accusations d'entrée par effraction, de vol et de possession d'un camion-citerne obtenu de manière criminelle. Ramené d'Abitibi, un troisième homme devrait comparaître aujourd'hui au palais de justice de Montréal. Il s'agit de Jacques Beaulieu, 54 ans, un parent de Carbonneau.

Les trois prévenus ont été arrêtés au cours des deux derniers jours par la Sûreté du Québec. Selon les informations obtenues de diverses sources, ils auraient ourdi la destruction du repaire de la rue Prince afin de se venger d'un membre en vue des Hells de Sorel. Dans la quarantaine avancée, le motard se serait amouraché de la conjointe de l'un d'eux.

L'affaire, qui remonte à plusieurs mois, aurait pris des proportions quand l'amoureux éconduit aurait juré de s'en prendre à son rival, qu'il connaissait. En apprenant ces sombres desseins, le motard, comme c'est l'habitude dans le milieu, a fait appel à ses «frères» pour faire comprendre à son rival qu'il avait intérêt à rester coi. Les fiers-à-bras lui auraient même fortement recommandé de quitter Sorel, s'il ne voulait pas que tout cela finisse mal pour lui.

Effrayé, Carbonneau se serait réfugié chez son oncle à La Reine, en Abitibi. C'est là, après avoir rongé son frein pendant un bon moment, qu'il aurait mûri l'attaque contre la forteresse des Hells. Les trois hommes sont passés à l'action samedi soir, en incendiant d'abord un immeuble où logeait auparavant l'un des matamores de l'équipe de choc qui avait expulsé Carbonneau de Sorel.

L'audacieux trio a ensuite lancé sur le bunker des Hells le camion chargé d'essence volé quelques jours plus tôt, et dont on avait éventré le dessus de la citerne. Les trois hommes ont terminé leur tournée en incendiant un garage situé derrière une maison qui aurait déjà appartenu à un proche de la puissante bande de motards.

Aucun lien avec le crime organisé

Les policiers de la SQ ont aussi retrouvé la fourgonnette bleu métallique que plusieurs témoins avaient vue près du local des Hells, le soir de l'attentat. Dans un communiqué, la SQ a insisté hier sur le fait que les trois hommes n'avaient aucun lien avec le crime organisé. Cependant, ils ont tous eu, à un moment ou un autre, des démêlés avec la justice.

En 2003, Carbonneau a plaidé coupable à des accusations de menaces; dans les années 90, il a été reconnu coupable d'avoir infligé des lésions corporelles. De son côté, Beaulieu a été condamné pour méfait et harcèlement criminel en 2006; au milieu des années 90, il a également plaidé coupable de possession de stupéfiants en vue de trafic. Enfin, Blanchette a plaidé coupable à des accusations de vol et de fraude en 1989.

Lors de la comparution de Carbonneau et Blanchette hier, la Couronne s'est opposée à leur remise en liberté. Les deux hommes reviendront mardi pour leur enquête sur remise en liberté.

Même s'ils étaient bien au fait de la querelle d'amoureux qui sévissait à Sorel, les Hells ne s'attendaient manifestement pas à une réplique aussi cinglante. L'histoire est à suivre, et de près.

Avec l'aide de Marcel Laroche