Le chef d'un important gang de rue de Montréal-Nord devait être expulsé du Canada, hier, pour avoir trempé dans la «grande criminalité». Valdano Toussaint avait reçu non pas un, mais bien deux avis de renvoi vers son pays d'origine, Haïti. Or, à la dernière minute, un juge de la Cour fédérale lui a accordé un sursis.

Le jeune homme de 21 ans, qui a une longue feuille de route criminelle, peut rester au pays pour l'instant. Valdano Toussaint serait le chef des Blood Mafia Family (BMF), gang de rue d'allégeance rouge actif dans le «Bronx» de Montréal-Nord - le secteur où une émeute a éclaté à la suite de la mort de Fredy Villanueva en août dernier.

 

C'est ce qui ressort du témoignage du sergent-détective de la police de Montréal, Benoît Desjardins-Auclair, devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en juillet dernier. L'expert en gangs de rue a alors mis en preuve des photos du corps de M. Toussaint tatoué de la lettre «B» représentant son allégeance aux Bloods, d'une arme à feu et des mots «Thug Life» (vie criminelle).

Les BMF sont impliqués dans la vente de drogues dures et ils n'hésitent pas à intimider des policiers dans Montréal-Nord, a expliqué le sergent-détective. Le gang compte 30 membres. Lors d'une opération policière visant le gang l'an dernier, plus de 2000 roches de crack, deux revolvers et une grenade destinée «à faire exploser un poste de police» ont été saisis, a raconté M. Desjardins-Auclair. Valdano Toussaint faisait partie des 24 personnes arrêtées dans ce projet baptisé «Éclat».

«On parle de joueurs assez importants qui ont des contacts dans le monde criminel et qui ont la capacité criminelle de commettre des délits au même titre que n'importe quelle autre organisation d'envergure sur le territoire», a expliqué le policier.

Un conflit oppose actuellement les Bloods aux Hells Angels pour le contrôle de la vente de drogue au centre-ville de Montréal, a-t-il ajouté. Valdano aurait été impliqué dans cette guerre, selon le policier. Les Hells ont loué ce territoire au gang des Syndicates et à des gangs affiliés aux Crips, le gang ennemi des Bloods. «Maintenant, les Bloods, les rouges, tentent de prendre le territoire, ce qui ne plaît pas particulièrement aux motards», a ajouté le policier.

Second avis de renvoi

Son témoignage avait convaincu le commissaire Louis Dubé d'ordonner l'expulsion de M. Toussaint le mois dernier. Le jeune criminel vit au Québec depuis 10 ans. Il n'a toutefois pas sa citoyenneté canadienne. Fait rare: c'était le second avis de renvoi ordonné contre lui.

En 2004, lorsqu'il avait 17 ans, Valdano Toussaint a écopé d'une peine de 28 mois à purger dans une prison pour adultes. Il a commis une série de vols et de voies de fait armées. Un an plus tard, un premier avis de renvoi avait été émis.

Depuis, il a été arrêté deux fois. La police le soupçonne d'avoir participé à une fusillade en février dernier, toujours à Montréal-Nord. Des accusations de tentative de meurtre ont été portées contre lui, puis elles ont été retirées le mois dernier.

Son avocate, Me Marie-Hélène Giroux, plaide aujourd'hui qu'il ne peut pas être expulsé pour des crimes commis lorsqu'il était mineur. Le juge en chef de la Cour fédérale, Allan Lutfy, a retenu cet argument pour lui accorder un sursis.

Grâce à ce délai, M. Toussaint peut présenter une demande d'évaluation des risques avant renvoi. Son avocate compte aussi prouver que M. Toussaint, en tant que membre d'un gang de rue, s'expose à des risques pour sa vie et sa sécurité s'il est expulsé en Haïti.