Daniel Topey rêvait-il de tuer un flic comme les policiers se l'étaient laissé dire, ou la menace venait-elle de paroles de rap? Cette question, de même que bien d'autres, sera débattue au procès de l'homme de 23 ans qui reprend aujourd'hui au palais de justice de Montréal. Regard sur la froide dissection d'un sujet brûlant.

Son crâne rasé zébré d'une longue cicatrice, reliquat des interventions qu'il a dû subir, son mètre 88 enveloppé dans un complet, Daniel Topey a écouté stoïquement les témoignages rendus par les policiers dans les premiers jours de son procès. L'homme de 23 ans est accusé de tentative de meurtre sur le policier qui lui a tiré une balle dans la tête.

 

Ce policier, Nicolas Brazeau, du Groupe d'intervention tactique (GTI) du SPVM, affirme que Topey a fait feu le premier quand ils se sont retrouvés dans une ruelle de Notre-Dame-de-Grâce, vers 16h40, le 27 avril 2007. Croyant sa vie en danger, l'agent Brazeau a répliqué de trois coups de feu. Une balle a pénétré dans la nuque de Topey pour terminer sa course dans une de ses joues. En attendant l'ambulance, qui devait se frayer un chemin en pleine heure de pointe du vendredi, un autre membre du GTI, Christian Gilbert, a mis son doigt dans le trou de balle pour ralentir l'hémorragie. Les médecins et la technologie ont fait le reste. «Si c'était arrivé il y a 20 ans, votre fils serait mort», aurait confié un médecin à la mère de Topey.

Au bout de six semaines, Topey a troqué son lit d'hôpital pour une couchette de prison. Son procès s'est ouvert le 22 septembre dernier devant le juge Denis Lavergne, au palais de justice de Montréal. La salle était remplie à pleine capacité par les amis et des voisins, solidaires de Topey.

Un informateur

Au procès, on a appris que c'est un informateur qui avait mis la police sur la piste de Topey. Cette source aurait raconté que «Street», surnom de Topey, vendait du crack, était armé et rêvait de tuer un policier. La police décidait de frapper l'après-midi du 27 avril 2007, avec le GTI, vu le «danger potentiel.»

Réunis dans un stationnement de NDG cet après-midi-là, les policiers conviennent d'un plan. Topey vit avec sa mère, dans un appartement de la rue Westmore. Pour épargner la mère, ils décident d'arrêter leur suspect dans la rue. Topey et un ami marchent dans la rue Saint-Jacques, quand cinq policiers du GTI surgissent d'une camionnette en criant «police.»

Le compagnon de Topey reste pétrifié, tandis que la cible de l'opération s'enfuit en courant. L'agent Nicolas Brazeau se lance à ses trousses, suivi par le chef d'équipe, Bruno Beaudin, et Christian Gilbert, affecté aux armes intermédiaires. Dans l'espoir de freiner Topey, l'agent Gilbert tire deux balles de caoutchouc sur le fuyard. L'une le touche au dos, mais Topey ne ralentit pas sa course.

Les coups de feu surviennent dans les secondes suivantes, à la sortie d'une petite ruelle. L'agent Brazeau est le seul à voir Topey faire feu. Selon les témoignages, l'agent Beaudin regarde ailleurs à ce moment précis, tandis que l'agent Gilbert «tourne le coin». Ces deux derniers affirment toutefois avoir entendu des détonations provenant de deux armes différentes. Après, ils voient Topey couché à plat ventre sur le trottoir, les mains sous lui. Méfiants, les policiers pensent à une feinte.

«Show me your hands» crie l'agent Brazeau en s'approchant du suspect inerte. L'agent Gilbert tire des balles de caoutchouc sur Topey, sans que ce dernier réagisse. L'agent Brazeau frappe le coude droit de Topey pour qu'il montre sa main. C'est à peu près à ce moment, qu'il voit du sang s'échapper sous la tête du suspect.

L'agent Gilbert commence à prodiguer les premiers soins à Topey en attendant l'ambulance.

On trouvera une arme de poing, un Glock de calibre 45 dans l'herbe, à quelques pieds de Topey, révèle l'enquête policière. La procureure de la Couronne Anne-Marie Otis et l'avocat de la défense, Lloyd Fischler, reconnaissent que l'ADN de Topey se trouvait sur le chargeur, mais pas sur l'arme elle-même.

Un rapport tardif

En contre-interrogatoire, Me Fischler a fait ressortir le fait que le rapport du GTI a été confectionné quelques semaines après l'incident, laissant ainsi entendre que les agents ont eu le temps d'accorder leurs violons.

Les policiers soutiennent que lorsque Topey courait, on ne voyait pas ses mains, et que celles-ci semblaient être à la hauteur de sa ceinture. Ce qui laissait supposer qu'il cherchait à prendre une arme. Par ses questions, Me Fischler a insinué que Topey tenait peut-être ses jeans (style hip-hop) pour faciliter sa course.

Le procès reprend aujourd'hui, avec le contre-interrogatoire de l'agent Bruno Beaudin. La Couronne achève de présenter sa preuve. Ce sera ensuite à la défense d'annoncer ses couleurs.

 

Dans la preuve de la Couronne

Une perquisition réalisée chez Topey, a mené à la saisie d'une centaine de roches de crack, du cannabis, une arme de calibre 38 non opérationnelle, ainsi que des munitions de 38, de 45 et de 9mm. Une feuille contenant des paroles, notamment I want to kill a cop with my glock, a aussi été saisie.