«Le hockey et la violence n'ont pas leur place ensemble. Mon fils a été victime d'une agression sauvage. Si ça s'était passé dans la rue, le dossier se serait réglé rapidement. Mais comme ça s'est déroulé sur une glace, c'est O. K.?»

À l'heure où l'affaire Jonathan Roy et les récents efforts pour combattre la violence dans les rangs mineurs sont à l'avant-scène, ce père de famille - qu'on ne peut nommer pour respecter l'anonymat de son fils, mineur lors des faits - tente depuis trois ans d'obtenir justice pour une histoire de violence au hockey survenue en 2005.

 

Impliqué dans une bagarre avec un autre hockeyeur, son fils avait subi une fracture du crâne et en porte aujourd'hui encore les séquelles, notamment des pertes de mémoire.

Le plaignant, âgé de 16 ans à l'époque, a alors porté une accusation de voie de fait causant des lésions contre l'autre joueur.

La cause a refait surface hier devant la Cour supérieure, au palais de justice de Saint-Jérôme.

La juge Carol Cohen réexaminait une décision portée en appel par la Couronne. Le Ministère était en désaccord avec un verdict rendu en janvier dernier par la chambre de la jeunesse, qui avait acquitté le joueur de 16 ans de l'accusation de voie de fait.

La demande d'appel a finalement été approuvée en fin d'après-midi, après une journée d'audience. La juge Cohen estime que le juge de première instance a omis de se livrer à une analyse minutieuse de certains détails.

Un nouveau procès s'ouvrira donc en octobre.

Pour démêler l'histoire, il faut retourner en juillet 2005, sur la glace de l'aréna de Rosemère, au nord de Montréal.

L'accusé, Steve*, et le plaignant, Patrick*, prenaient tous deux parts au camp de sélection des Vikings des Laurentides, une équipe Midget AAA.

Tout aurait débuté lorsque le plaignant, Patrick, a fait tomber l'accusé avec son bâton. Une empoignade aurait suivi.

La poursuite prétend que Steve s'est rué sur Patrick par derrière, avant de lui retirer son casque et de lui asséner de violents coups de poing au visage. Patrick se serait alors écroulé sur la patinoire, pendant que son assaillant, à cheval sur lui, continuait à le rouer de coups.

Une bagarre consensuelle?

Des entraîneurs ont finalement sauté sur la glace pour mettre un frein à cette pluie de coups.

La raclée a duré 50 secondes. Assez longtemps pour fracturer le crâne de Patrick.

Lors de l'acquittement de Steve devant le tribunal de la jeunesse, le juge avait conclu qu'il s'agissait d'une bagarre consensuelle entre les deux joueurs. «La cour est d'avis que le témoignage de Steve est crédible et même corroboré par trois témoins de la poursuite, les trois entraîneurs, indiquant qu'il y a eu, contrairement à ce que la présumée victime indique, des échanges de coups entre Patrick et Steve avant que les deux s'écroulent sur la glace», avait expliqué le magistrat dans son jugement.

Pour la Couronne, la notion de consentement à laquelle fait référence le juge de première instance s'applique aux gestes du début de la bagarre, mais assurément pas au moment où Patrick, étendu sur la glace, encaissait les coups au visage de la part de Steve. «L'erreur du juge a donc été de considérer uniquement le chamaillage de la première étape et négliger le reste de la séquence, celle qui s'est déroulée au sol», a plaidé hier la procureure Julie Lefebvre-Côté.

C'est aussi ce qui a convaincu la juge Cohen de casser le jugement du tribunal de la jeunesse hier.

«Les faits démontrent ici que la victime s'est vite retrouvée au sol, dépourvue de casque protecteur et dans l'impossibilité d'échanger des coups avec l'accusé», a fait valoir Me Lefebvre-Côté, selon qui l'accusé a utilisé une force excessive et disproportionnée.

De son côté, la défense a toujours soutenu que le plaignant avait menti durant son témoignage et n'a jamais avoué avoir échangé des coups avec l'accusé. L'avocate, Me Élise Gravel, se disait étonnée du jugement rendu hier et ne cachait pas sa déception d'avoir à retourner à la case départ.

Sa réaction contrastait avec le sourire satisfait de la procureure de la Couronne, au sortir de l'audience. Même chose pour le père de Patrick, même sa famille et lui devront reprendre à zéro le processus judiciaire. «Ça va être pénible, mais on veut aller jusqu'au bout», a-t-il laissé tomber.

Son fils, comme l'accusé, étudie aujourd'hui au cégep. Les deux ont abandonné le hockey. «Patrick voulait faire une carrière. Il a été ébranlé émotivement par l'incident. Il est devenu plus craintif», a souligné le père.

* Les prénoms ont été modifiés parce que l'accusé et le plaignant étaient mineurs au moment des événements.