Nouvelle gifle contre l'industrie du tabac : la Cour d'appel a rejeté la demande de trois fabricants d'infirmer un jugement les obligeant à payer 15 milliards de dollars à quelque 100 000 personnes rendues malades par des produits du tabac.

« C'est une grande victoire », a réagi la veuve du membre désigné du recours, Lise Blais. Son mari, Jean-Yves, est mort d'un cancer du poumon en mars 2012. « Je suis triste qu'il ne soit pas là aujourd'hui pour savourer la victoire », a ajouté la femme de 76 ans.

L'appel est reçu sur des éléments techniques mineurs, mais la conclusion reste la même qu'en première instance. Ainsi, avec les intérêts qui continuent de s'accumuler, la somme à payer atteint maintenant quelque 17 milliards.

En substance, le plus haut tribunal du Québec confirme le jugement rendu le 1er juin 2015. Ce jour-là, le juge de la Cour supérieure Brian Riordan avait condamné Imperial Tobacco, Rothmans Benson & Hedges ainsi que JTI-Macdonald à payer 15 milliards en dommages punitifs et moraux à des fumeurs et ex-fumeurs malades regroupés dans un recours collectif.

Le juge considérait que les cigarettiers ont menti à leurs clients. Ils avaient le devoir d'informer leurs clients des risques et des dangers de leurs produits, et devaient présenter une information véridique et non trompeuse, en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, souligne le magistrat. Il rappelait que le droit à la vie, à la sécurité et à la dignité des personnes est protégé par la Charte québécoise des droits et libertés.

Les procureurs représentant les plaignants rayonnaient cet après-midi après que les cinq juges de la Cour d'appel eurent unanimement rendu leur verdict.

Décrivant le travail des juges comme « une pièce d'anthologie », voire un « chef-d'oeuvre », les trois avocats ont d'emblée parlé d'un jugement « historique ».

« C'est une victoire totale, sur tous les fronts », s'est enthousiasmé Me Philippe Trudel.

« Le jugement reprend les conclusions de première instance, les solidifie et confirme que les compagnies ont conspiré pendant 50 ans pour mentir au public, a renchéri Me André Lespérance. Ce mensonge-là a amené des gens à fumer, à mourir du cancer du poumon ou de la gorge. »

Les fabricants de tabac déboutés ont maintenant la possibilité de contester en Cour suprême, plus haute instance du pays, la décision rendue aujourd'hui. Imperial Tobacco et Rothmans Benson & Hedges ont déjà manifesté leur intention de procéder en ce sens. JTI-Macdonald n'a pas encore affiché ses couleurs à ce sujet.

« Nous sommes bien sûr déçus de la décision de la cour d'appel », a affirmé Éric Gagnon, directeur principal des affaires corporatives et réglementaires chez Imperial Tobacco Canada.

« Imperial Tobacco continue à croire que jugement de première instance était erroné plusieurs fronts », a-t-il ajouté. « Les risques associés au tabagisme sont connus au Canada depuis des décennies. C'est pourquoi on pense qu'on ne devrait pas être tenus responsables des choix qu'ont faits les adultes en connaissance de cause. »

« Imperial Tobacco du Canada opère dans un des pays les plus réglementés au monde », a-t-il encore dit, précisant que l'entreprise avait « toujours respecté "les lois fédérales et provinciales en vigueur ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Éric Gagnon, directeur principal des affaires corporatives et réglementaires pour Imperial Tobacco Canada.