Un témoin expert de la Couronne a remis en doute, lundi, l'argument de la défense de Michel Cadotte, selon lequel l'accusé souffrait d'une dépression qui aurait affecté son jugement lorsqu'il a tué son épouse gravement atteinte de la maladie d'Alzheimer il y a près de deux ans.

Le psychiatre Gilles Chamberland est le dernier témoin appelé à la barre au procès du Montréalais accusé d'avoir tué Jocelyne Lizotte. Le couple était ensemble depuis 19 ans.

Dans son témoignage, le psychiatre appelé par la Couronne a déclaré aux jurés que M. Cadotte ne montrait aucun signe de dépression majeure au moment du drame.

Le docteur Chamberland, qui a rencontré M. Cadotte le mois dernier, a abordé un autre facteur : la consommation importante d'alcool de l'accusé. Cela a pu provoquer un trouble de l'humeur secondaire, mais pas une dépression majeure, selon lui.

Les gestes de M. Cadotte avant et après le meurtre n'étaient pas compatibles avec quelqu'un qui ne serait pas conscient de ses actions, a-t-il ajouté.

« Globalement nous ne retrouvons pas chez monsieur d'évidence de dépression majeure dans la période précédant les événements », a-t-il déclaré.

M. Cadotte lui-même a dit au psychiatre que le meurtre aurait pu être évité s'il n'avait pas bu dans les jours précédents, a poursuivi M. Chamberland.

Le docteur Chamberland a remis en doute l'argument des experts de la défense, qui avaient affirmé que M Cadotte souffrait de dépression le 20 février 207, le jour du meurtre de Mme Lizotte.

La défense plaidait que l'accusé était si déprimé et en manque de sommeil qu'il n'avait pas la « liberté de choix » et que son état ne justifiait pas une condamnation pour meurtre.

M. Cadotte a raconté devant le jury comment il avait utilisé un oreiller pour étouffer sa femme, qui vivait dans un centre d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Il a dit qu'il n'était plus capable de la voir souffrir.

Le jury a aussi appris qu'un an avant le décès de la dame, M. Cadotte avait tenté de faire une demande pour qu'elle reçoive l'aide médicale à mourir. Elle n'était toutefois pas admissible parce qu'elle n'était pas en fin de vie et qu'elle ne pouvait donner son consentement.

Le docteur Chamberland a affirmé qu'il était clair selon lui que l'accusé ne répondait pas aux critères d'une dépression. Une personne dépressive fuit les contacts avec les gens et s'isole, a-t-il expliqué.

Dans le cas de M. Cadotte, il avait tenté de rétablir les ponts avec ses enfants quelques semaines avant le meurtre. Et la consommation excessive d'alcool s'expliquait par son échec à reconnecter avec eux.

Les experts de la défense ont affirmé que M. Cadotte avait éprouvé un mélange de sentiments - de la tristesse, de la colère et de la frustration - et qu'il avait agi impulsivement en tuant sa femme.

Mais le docteur Chamberland a souligné que l'accusé avait dit qu'il voulait mettre fin aux souffrances de sa femme, ce qui ne correspond pas à un acte impulsif.

Il a poursuivi en disant qu'il n'y avait aucune preuve que Mme Lizotte était maltraitée au CHSLD. Le psychiatre s'est aussi demandé si Mme Lizotte voulait vraiment mettre fin à sa vie - une option qui n'existait pas lorsqu'elle a signé une lettre de mandat presque vingt ans plus tôt.

Le docteur Chamberland a plutôt compris qu'elle ne voulait pas que les médecins prennent des mesures extraordinaires pour la garder vivante.

Bien qu'il soit clair que sa santé déclinait, Mme Lizotte était moins consciente de son environnement et de ses interactions, a-t-il laissé entendre.

« Madame était potentiellement moins souffrante et possiblement moins consciente d'une souffrance possible qu'elle n'avait pu l'être à d'autres moments au cours des dernières années », a-t-il soutenu.