« J'étais surpris à tel point que je pensais que j'allais vraiment m'évanouir », a déclaré un survivant de la tuerie de la grande mosquée de Québec, Aymen Derbali, déçu par la décision du juge François Huot d'imposer 40 ans de prison avant possibilité de libération conditionnelle à Alexandre Bissonnette.

Le juge a rendu sa décision devant une salle bondée de 250 personnes au palais de justice de Québec, vendredi. Plusieurs membres de la communauté ont rencontré la Couronne et réclament désormais qu'elle porte la cause en appel.

Le 29 janvier 2017, Bissonnette a tué six personnes à la mosquée, en plus d'en blesser plusieurs autres.

Le silence régnait dans la salle au moment où le juge a prononcé la peine du meurtrier de 29 ans. Mais à leur sortie, les victimes et leurs proches ont solidairement verbalisé leur déception et leur douleur.

« J'aurais aimé que la sentence soit rendue à la hauteur du crime perpétré », a dit M. Derbali, rendu tétraplégique par le tueur.

Saïd El-Amari, un des blessés, s'est interrogé sur les critères du jugement rendu, en le comparant à la décision prononcée contre Justin Bourque au Nouveau-Brunswick, qui avait été condamné à 75 ans de prison pour avoir tué trois gendarmes de la GRC.

« Jamais personne ne s'est demandé s'il allait sortir vivant, (tandis que pour Bissonnette) on se demande si on va lui donner la chance de sortir vivre en société. Je suis estomaqué, abasourdi, choqué. Est-ce qu'on est traités, nous, comme nos concitoyens canadiens ? Je manque de mots. [...] Je sens que je vaux moins qu'un autre citoyen. »

Le président du Centre culturel islamique de Québec, Boufedja Benabdallah, estime que le juge s'est beaucoup préoccupé de la dignité de Bissonnette, mais peu de celle des victimes.

« Nous voulons cette dignité de tous les citoyens musulmans parce qu'ils sont bafoués plusieurs fois, bafoués dans les discours qu'on est en train d'entendre depuis quelques semaines », a-t-il déclaré.

C'est aux orphelins qu'il faut penser, s'est quant à lui insurgé Ahmed Cheddadi, qui était à la mosquée le soir du 29 janvier 2017. Car ils risquent de revoir le tueur.

« Un enfant des gens qui ont perdu la vie aura 42 ou 44 ans. Ces enfants, ils peuvent toujours rencontrer le tueur de leur papa dans un supermarché. C'est ça qui m'a touché. C'est dur ça, c'est très, très dur. »

Amir et Megda Belkacemi, dont le père est tombé sous les balles de Bissonnette, se sont dits surpris par la décision du juge Huot. Ils ont tout de même salué le travail des procureurs et des policiers de Québec.

Mohamed Labidi, un des porte-parole de la communauté musulmane de Québec, s'accroche à la possibilité d'un appel.

« Le souhait de toute une communauté est que cette cause soit portée en appel. On n'est pas content, on refuse cette décision. On fait confiance à la justice, pour que la justice n'ait pas dit son dernier mot. »

Les parents d'Alexandre Bissonnette ont quitté le palais de justice sans s'adresser aux médias, vendredi.