Pour avoir saboté des lignes à haute tension d'Hydro-Québec avec son avion, privant d'électricité 180 000 foyers et causant des dommages de près de 30 millions de dollars, en décembre 2014, le pilote Normand Dubé a écopé lundi matin d'une peine d'emprisonnement de sept ans.

L'accusé a agi par vengeance, à cause d'un conflit banal avec la société d'État qui a dégénéré en raison du « caractère parfois violent » et « revanchard » de l'accusé, a souligné le juge Paul Chevalier en prononçant sa sentence au palais de justice de Saint-Jérôme.

Il a aussi considéré comme facteur aggravant « le fait de s'attaquer à un service public essentiel sans penser aux conséquences pour les usagers ».

Le juge a également ordonné la saisie de son aéronef.

Normand Dubé, surnommé le « pilote des stars » parce qu'il transportait souvent des vedettes à bord de son avion, a été incarcéré sur-le-champ.

Son avocat, Me Mario Lavigne, a cependant affirmé à sa sortie du tribunal qu'il avait l'intention d'en appeler du verdict de culpabilité et de la peine, et qu'il s'attendait à ce que la Cour d'appel remette son client en liberté en attendant que sa requête soit entendue.

Il avait demandé une peine de prison de deux ans moins un jour pour son client, tandis que le ministère public demandait dix ans, soit la peine maximale pour un tel crime.

L'homme de 56 ans avait été reconnu coupable de méfait le 13 septembre 2018.

Pour des motifs de « sécurité nationale », il est impossible de savoir comment le pilote s'y est pris pour saboter le réseau d'électricité à l'aide de son avion, à trois endroits différents.

« Le message qu'il faut retenir, c'est qu'on ne peut pas s'attaquer impunément au Canada à un service public, avec une motivation comme la vengeance, et paralyser comme ça un système d'électricité », a souligné l'avocat de la Couronne, Me Steve Baribeau, à sa sortie du tribunal.

RISQUES DE RÉCIDIVE

La peine imposée tient compte du fait que le pilote n'a peut-être pas eu sa leçon, malgré ses démêlés avec la justice.

« Selon l'évaluation que le juge a faite du profil de M. Dubé, c'est sûr que les risques de récidive sont encore présents. » - Me  Steve Baribeau

Peu importe le résultat de la procédure d'appel, Normand Dubé n'est pas au bout de ses peines : Hydro-Québec le poursuit au civil pour 30 millions pour les dommages à son réseau et les coûts engendrés par la mégapanne, et il doit avoir en février prochain son procès pour incendies criminels, menaces et harcèlement criminel.

Pendant le procès pour le sabotage du réseau d'électricité, la Couronne a d'ailleurs fait entendre des enregistrements de conversations de Normand Dubé avec un agent des douanes, un avocat et un fonctionnaire municipal, pour montrer son caractère colérique et revanchard. On l'entend proférer des menaces et insultes, et affirmer qu'il pourrait se rendre au domicile d'un employé des douanes, ajoutant que « la vengeance, c'est un plat qui se mange froid ».

Il conservait dans son ordinateur des informations personnelles sur des gens avec qui il avait eu maille à partir (photos de leurs résidence et véhicule, numéro de téléphone personnel, évaluation de la propriété) en les qualifiant de « trous de cul » dans ses documents.

LIGNES CRUCIALES

Normand Dubé avait des conflits avec beaucoup de monde. Son litige de plusieurs années avec Hydro-Québec, qui découle d'une banale histoire de servitude sur son terrain, l'aurait incité à se venger en s'attaquant aux lignes à haute tension du haut des airs.

Selon la preuve présentée pendant le procès, le pilote a survolé des lignes électriques à Mirabel, Wentworth et Brownsburg-Chatham le 4 décembre 2014. À 15 h 05, un court-circuit s'est déclaré sur deux lignes principales de 735 000 volts qui acheminent le courant des barrages du nord vers le sud.

Le Québec ne compte que neuf de ces lignes cruciales à haute tension pour alimenter une immense partie de la population. Les systèmes automatisés d'Hydro-Québec ont redirigé une partie du courant vers les autres lignes, qui se sont retrouvées en surcharge, même si 120 000 clients avaient été délestés automatiquement.

Pour éviter que le système ne craque, des milliers d'autres clients ont dû être déconnectés, comme le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et le centre de répartition de la police de Laval.

La société d'État a dû utiliser la centrale au diesel de Bécancour, réservée aux situations exceptionnelles car très coûteuse à faire fonctionner, et demander à de grandes entreprises de suspendre temporairement leur consommation. On a aussi reçu temporairement de l'électricité de la Nouvelle-Angleterre, de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse, le temps que le réseau soit de nouveau fonctionnel, après un peu plus de 24 heures.