Tony Accurso se retrouve derrière les barreaux. Le dirigeant déchu d'un empire de la construction a écopé jeudi matin d'une peine de quatre ans de pénitencier pour avoir pris part pendant 15 ans à un vaste système de collusion et de corruption de fonctionnaires municipaux pour l'obtention de contrats publics à la Ville de Laval.

Grand patron des géants de la construction Louisbourg et Simard-Beaudry, Antonio Accurso avait un rôle prépondérant dans le système de collusion qui a persisté de 1996 à 2010 à Laval. «Si M. Accurso avait décidé qu'il ne participerait pas au système de collusion, le système n'aurait pas pu durer aussi longtemps», explique le juge James Brunton.

Le rôle de Tony Accurso «ne peut pas être décrit comme une personne dilettante, qui d'un air distrait, a simplement toléré à distance l'existence de la criminalité», a conclu le juge. Le système de collusion instauré par l'ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt est «l'un des pires, sinon le pire cas de corruption municipale» à se retrouver devant les tribunaux au pays, selon le juge.

Même s'il ne prenait pas part à la gestion quotidienne des soumissions de complaisance et du versement des pots-de-vin au maire, l'homme d'affaires de 66 ans était consulté lors des «moments-clés» du complot. Par exemple, il était présent à une rencontre au sommet dans ses bureaux en 2002 pour tenter de convaincre un concurrent de ne pas quitter le système de collusion.

De plus, contrairement à ce que la défense avançait, Tony Accurso avait un ascendant certain sur son cousin Joe Molluso, le président de Construction Louisbourg. Ainsi, Joe Molluso a participé au système de collusion avec l'approbation de Tony Accurso, soutient le juge. Aussi, le juge a conclu que l'entrepreneur détenait une «influence» sur l'ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt.

Ce n'est pas une «simple décision d'affaires» qui l'a poussé à joindre le système de collusion, mais son «appât du gain», conclut le juge, en citant une longue liste de facteurs aggravants dans l'imposition de la peine: «Durée de la criminalité, planification, préméditation, fréquence des fraudes, impact sur la confiance du public envers les institutions publiques, l'importance de ses compagnies.»

Toutefois, le juge Brunton a rejeté la demande de la poursuite d'obliger Tony Accurso à verser un dédommagement de 1,6 million de dollars à la Ville de Laval.

Cette peine de quatre ans de pénitencier est de loin la plus sévère imposée aux entrepreneurs impliqués dans ce complot. L'entrepreneur Marc Lefrançois avait par exemple écopé d'une peine de 21 mois de prison. Seul Gilles Vaillancourt a reçu une peine plus sévère, soit six ans de pénitencier. Notons toutefois que seul Tony Accurso a subi un procès dans le cadre du projet Honorer. Il n'a donc pas pu profiter de son plaidoyer de culpabilité comme facteur atténuant.

L'homme d'affaires de 66 ans a été reconnu coupable par le jury la semaine dernière des cinq chefs d'accusation qui pesaient contre lui: corruption dans les affaires municipales, abus de confiance par un fonctionnaire public, fraude de plus de 5000 $, complot pour fraude et complot pour commettre des actes de corruption. 

La Couronne réclamait une peine de cinq ans de pénitencier contre Tony Accurso, alors que la défense demandait une peine d'emprisonnement avec sursis de 18 à 24 mois à purger dans la collectivité.

Tony Accurso devrait rester détenu au moins jusqu'à mardi selon son avocat. Me Marc Labelle entend alors porter en appel le verdict et la peine et demander la libération de son client pendant les procédures d'appel.