La Couronne a réclamé jeudi matin une peine de cinq ans de pénitencier contre Tony Accurso pour sa participation dans un vaste système de collusion pour l'obtention de contrats publics à la Ville de Laval. La défense demande pour sa part une peine d'emprisonnement avec sursis de 18 à 24 mois à purger dans la collectivité.

L'homme d'affaires de 66 ans a été reconnu coupable lundi par un jury des cinq chefs d'accusation qui pesaient contre lui : corruption dans les affaires municipales, abus de confiance par un fonctionnaire public, fraude de plus de 5000 $, complot pour fraude et complot pour commettre des actes de corruption.

Le procureur de la Couronne, Me Richard Rougeau, a demandé une peine de 5 ans de détention contre Tony Accurso, ainsi qu'un dédommagement de 1,6 million de dollars à verser à la Ville de Laval, jeudi matin lors des observations sur la peine.

Ce dédommagement représente le montant minimum versé par les entreprises de M. Accurso en ristourne à l'administration Vaillancourt pour obtenir les contrats truqués entre 1996 et 2010. L'ex-maire de Laval a écopé d'une peine de 6 ans de pénitencier.

Le procureur du Ministère public a relevé de nombreux facteurs aggravants pour justifier l'imposition de cette peine de détention, malgré l'absence d'antécédents judiciaires d'Antonio Accurso, président déchu d'un véritable empire de la construction.

« On parle de fraudes significatives et majeures qui visaient les fonds publics. On parle d'une fraude qui s'est échelonnée sur une période de 14 ans, une fraude d'un montant très important. Je vous suggère qu'il s'agit d'une fraude de 94 millions », a plaidé Me Rougeau.

La fraude de Tony Accurso, en impliquant des fonctionnaires municipaux, a « miné la confiance du public » et a entraîné un « désabusement » des citoyens envers le monde politique. « M. Accurso a personnellement bénéficié des fraudes en question », a ajouté Me Rougeau.

Le juge James Brunton doit prendre en compte les peines imposées à la vingtaine de complices de Tony Accurso dans l'imposition de la peine. Dans ce contexte, le juge s'est interrogé sur la peine de cinq ans réclamée par la Couronne, alors que l'entrepreneur René Mergl a reçu une peine de 18 mois de prison pour un rôle similaire.

« M. Accurso est un entrepreneur très important qui aurait pu mettre fin à ce système et qui a décidé de le perpétrer par le travail de M. Molluso et de M. Minicucci [les présidents de ses entreprises] », a rétorqué Me Rougeau.

Accurso au bord de la faillite

Tony Accurso n'avait pas un rôle central dans le système de collusion et ne devrait donc pas recevoir une peine d'emprisonnement, a plutôt plaidé ce matin son avocat Marc Labelle. « Il n'a pas créé le système. Ce système-là lui a été imposé. C'est un système créé par le politicien Gilles Vaillancourt qui avait deux sbires, M. Deguise et M. Asselin », a plaidé Me Marc Labelle.

Le propriétaire des entreprises Louisbourg et Simard-Beaudry « tolérait » le système de collusion à Laval. Il était tenu d'y participer pour faire des affaires à Laval, alors qu'il aurait pu remporter de nombreux contrats dans un marché sans collusion. « Ce système-là n'a pas favorisé Tony Accurso et ses entreprises. Il aurait pu tous les gagner ou à peu près. Il n'a pas agi par cupidité. Il n'a pas agi par appât de gain. Il a agi par business. Et ça, ce n'était pas une bonne idée », a plaidé Me Labelle.

Le juge Brunton a semblé surprendre Me Labelle en lui demandant l'ampleur de la fortune de Tony Accurso. Après un long préambule, l'avocat a lâché que l'homme d'affaires gérait environ 10 millions de dollars. Or, il fait face à des cotisations importantes de Revenu Québec et Revenu Canada.

« Si le ciel ne s'éclaircit pas, M. Accurso va faire faillite. Ça pourrait être aussitôt qu'au mois de juillet. [...] Tous ses avoirs sont en garanties auprès de Revenu Québec, il n'y a que sa maison qui n'est pas touchée », a expliqué Me Labelle.

Me Labelle relève la « médiatisation tous azimuts » à l'endroit de son client, son risque de récidive « faible » et son « humiliation publique » dans l'imposition de la peine. « On dirait que c'est sans limites, ça n'arrête pas ! On s'est fait filmer pendant trois mois de temps... C'est d'un ridicule consommé ! »

Le président de Construction Louisbourg et bras droit de Tony Accurso, Joe Molluso, a écopé d'une peine de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité en plaidant coupable. Selon l'avocat de la défense, Tony Accurso devrait ainsi avoir une peine moins sévère que son cousin Joe Molluso, comme ce dernier gérait la collusion au quotidien.