Publier à répétition la photo de Marc Lépine ou le mot-clic #JeSuisLépine sur une page Facebook féministe peut constituer du harcèlement criminel. Alexandre Chebeir a reçu hier une peine de quatre mois de prison pour avoir harcelé des femmes en faisant l'éloge de l'auteur de la tuerie de Polytechnique.

« Nous te vengerons Ô Marc Lépine », « Louanges à toi Ô Marc Lépine », « Un jour vous allez payer pour tout le mal que vous faites subir aux hommes ! », a écrit Alexandre Chebeir par message privé à une administratrice du Réseau québécois en études féministes (RéQEF), le 4 octobre 2016.

Il avait également publié ce soir-là trois commentaires et une photo de Marc Lépine, suivis du mot-clic #JeSuisLépine, sur la page de la campagne contre la violence sexuelle « Sans oui, c'est non ! ». Trois mois plus tôt, l'homme de 24 ans avait publié sur la page Facebook du RéQEF des commentaires dans lesquels se trouvait un lien menant à un article sur Marc Lépine, tristement connu pour avoir abattu 14 femmes, le 6 décembre 1989, à l'École polytechnique de Montréal.

La gravité des crimes commis par Alexandre Chebeir est « indiscutable », selon le juge Yves Paradis. « La tragédie à laquelle réfère M. Chebeir dans ses messages a marqué l'histoire de notre société. Elle constitue manifestement le résultat d'une haine à l'endroit des femmes. En invoquant ce drame, en s'identifiant à son auteur et en dirigeant les messages à de tels organismes, M. Chebeir était nécessairement conscient de l'impact qui serait créé », soutient-il dans sa décision.

Alexandre Chebeir a plaidé coupable à un chef de harcèlement criminel en septembre dernier. La Couronne demandait la peine maximale pour une infraction de harcèlement par procédure sommaire, soit six mois d'emprisonnement, alors que la défense réclamait une absolution.

Risques de récidive

Bien que l'accusé n'ait aucun antécédent judiciaire et souffre de plusieurs problèmes psychologiques, le juge a mis l'accent sur la dénonciation de ses crimes dans la détermination de la peine. De plus, Alexandre Chebeir présente des risques de récidive, estime le juge. « Un problème important persiste, qu'on le qualifie de haine envers les femmes ou de préjugé défavorable envers la gent féminine », écrit-il. Une probation de trois ans a aussi été imposée à l'accusé.

Les messages de l'accusé ont eu des conséquences psychologiques importantes sur le personnel du groupe de recherche féministe. « L'idée qu'un homme les a ciblées est une grande source de stress qui, encore aujourd'hui, mine le moral et l'ambiance de travail », souligne le juge.

La coordonnatrice du Réseau québécois en études féministes, Sandrine Ricci, s'est réjouie de cette décision qui fera jurisprudence. « Vraiment, ça envoie un message aux agresseurs que l'impunité est terminée et aux féministes qui subissent ce genre de cyberharcèlement qu'il y a des moyens et qu'éventuellement, on peut avoir accès à la justice », a-t-elle déclaré à sa sortie de la cour.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Sandrine Ricci, coordonnatrice du Réseau québécois en études féministes