Au lendemain du verdict de non-culpabilité prononcé en faveur de l'entrepreneur Tony Accurso, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a réagi aux nombreuses critiques en affirmant que cette décision ne peut être associée à un échec et, surtout, que cela n'influera pas sur son travail dans les autres dossiers.

« Cet acquittement-là, ce n'est pas une défaite pour le DPCP, c'est la manifestation que le système de justice est allé jusqu'au bout », croit le procureur Robert Rouleau. « Tony Accurso a passé à travers le processus judiciaire. Il a eu un procès. Il a eu un verdict. Il ne s'en sort pas facilement », dit-il.

En entrevue avec La Presse, Me Rouleau et son collègue Pascal Grimard, qui a mené le procès contre Tony Accurso, ont tous deux souligné que le jury avait eu un doute raisonnable sur l'intention coupable de M. Accurso. Point. Cela ne remet en question, selon eux, ni la compétence de l'équipe au dossier ni la valeur de la preuve présentée contre l'entrepreneur.

Ce dernier était accusé d'avoir aidé l'ancien maire de Mascouche Richard Marcotte à commettre un abus de confiance, en acceptant des pots-de-vin et en favorisant, en contrepartie, les entreprises de M. Accurso pour des contrats municipaux. Le jury a tranché mardi matin : M. Accurso n'est pas coupable.

Dans les heures qui ont suivi, l'avocat Marc Labelle, qui représentait M. Accurso, a répété que le témoignage de son client avait fait la différence, selon lui. « Il a été cru », a-t-il laissé entendre. Me Labelle a également affirmé que la preuve contre M. Accurso n'était pas solide.

Preuve technique

S'il n'y avait pas eu de preuve, Me Labelle n'aurait pas présenté de défense, a rappelé Me Grimard. D'ailleurs, argue-t-il, Tony Accurso n'a pas eu d'enquête préliminaire : « Il a consenti à son renvoi en procès sur tous les chefs d'accusation. Même lui, à ce moment-là, considérait qu'il y avait suffisamment de preuves contre lui. »

Quant à la possibilité que les 12 jurés aient été touchés par le témoignage parfois coloré de M. Accurso et la plaidoirie empreinte d'émotion de Me Labelle, Mes Grimard et Rouleau rappellent que les délibérations du jury demeurent secrètes. Tout le reste est pure spéculation. Et puis, indiquent-ils, une preuve technique comme celle qui a été présentée contre M. Accurso se prête mal au déploiement d'émotion.

D'ailleurs, les procureurs du DPCP, dont le rôle est quasi judiciaire, doivent faire preuve de « retenue » et de « pondération ». Cela ne ressemble en rien à ce que la télé américaine laisse voir, estiment Mes Rouleau et Grimard, qui soulignent que la défense a plus de marge de manoeuvre.

« Un procureur rend un mauvais service à la société lorsqu'il tombe dans la plaidoirie incendiaire parce que c'est une raison pour obtenir de nouveaux procès. Il y a de nombreux exemples dans la jurisprudence. [...] La ligne entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas est parfois ténue. Il faut faire preuve de retenue », soutient Me Rouleau.

Me Grimard indique qu'une évaluation du dossier est en cours. Le DPCP a 30 jours pour faire appel de la décision.