Estimant que le dossier de Roger Lee Desmarais s'apparente à un « cauchemar à la Kafka », un juge de la Cour supérieure a ordonné sa libération immédiate, en pleine salle d'audience, malgré les protestations de l'agent de détention.

M. Desmarais, 35 ans, souffre de déficience intellectuelle, ce qui lui confère un âge mental de 8 ans. Il était considéré inapte à subir un procès d'agression sexuelle, mais apte à subir un procès pour évasion. Emprisonné depuis quatre ans, son dossier n'était pas réglé. Le juge a trouvé l'affaire choquante au plus haut point.

« Vous allez lui enlever ses menottes et ses chaînes tout de suite. Les procédures administratives suivront », a ordonné le juge Marc-André Blanchard, à l'égard de l'agent de détention. Celui-ci hésitait à suivre l'ordre, signalait que ce n'était pas la procédure habituelle de libérer un détenu en pleine salle d'audience, et que son « superviseur n'allait vraiment pas être content. »

« Si votre superviseur n'est pas content, il m'appellera », a lancé le juge !

Après discussions avec des personnes en autorité qui sont accourues dans la salle, M. Desmarais est sorti libre de la salle d'audience. Les membres du conseil de tutelle qui s'occupent de lui, l'ont étreint et ont lancé des cris de joie.

En septembre 2010, M. Desmarais a été accusé d'agression sexuelle à l'endroit de deux femmes qui faisaient du jogging sur le Mont-Royal. Vu sa condition intellectuelle, il a été jugé inapte à subir son procès et a été envoyé à l'Institut Philippe-Pinel, où il recevait des traitements. Mais voilà, lors d'une randonnée à vélo autorisée, en juillet 2013, il s'est évadé en pédalant plus vite que l'employé qui surveillait le groupe. Il a été arrêté deux jours plus tard au parc Émilie-Gamelin, et a été accusé d'évasion. C'est à partir de ce moment que l'affaire a pris une tournure kafkaïenne, signale le juge dans sa décision.

Apte et inapte

Pour des raisons qui « peuvent être sérieusement questionnées », le ministère public s'est opposé à ce que M. Desmarais retourne à Pinel. Et quelques semaines plus tard, on le jugeait apte à subir son procès pour évasion, alors qu'il était inapte pour son procès d'agressions sexuelles. Il est à noter que le ministère public considérait M. Desmarais comme dangereux, car il avait des antécédents en matière de crime sexuel, survenus dans les années 2000. Il avait d'ailleurs été détenu à l'Institut Philippe-Pinel.  

Quoi qu'il en soit, depuis 2013, M. Desmarais est resté en prison, sans que son dossier ne se règle, et sans recevoir les soins que sa condition demandait. Sa cause est revenue une trentaine de fois devant la Cour. Le juge Blanchard a conclu que l'arrêt des procédures s'imposait dans les deux dossiers.

« M. Desmarais a purgé en détention préventive le double du maximum de la peine pour évasion d'une garde légale », a signalé son avocate, Me Annie Émond, en sortant de la salle d'audience.

M. Desmarais s'en allait directement en Ontario, où il sera pris en charge par un organisme, Vita, qui s'occupe de gens ayant une déficience intellectuelle et une problématique sexuelle.