« Tout ce qu'on fait, c'est pleurer... jusqu'à la fin de nos jours », murmure Kudret Yanar. « Notre famille est brisée », sanglote Zuleyha Sen. Trois soeurs de Fehmi Sen, jeune Montréalais tué par erreur en mai 2013, ont livré des témoignages bouleversants hier, lesquels ont toutefois laissé impassible Kshawn Rocque, condamné à trois ans et demi de prison pour son rôle dans ce drame.

L'homme de 26 ans accusé du meurtre prémédité de Fehmi Sen a plaidé coupable hier à une accusation réduite de complicité après le fait. « Sachant que Marlon Henry et/ou Rakesh Jankie avaient commis un meurtre, Kshawn Rocque les a assistés pour leur permettre de s'enfuir », le 30 mai 2013, peut-on lire dans l'acte d'accusation.

Une ordonnance de la cour nous interdit de raconter les circonstances du crime, puisque Marlon Henry et Rakesh Jankie seront jugés pour meurtre devant jury en janvier prochain. Un quatrième homme, Shorn Carr, a plaidé coupable à une accusation réduite d'homicide involontaire plus tôt ce mois-ci.

« J'ai une question à celui qui a fait ce crime : êtes-vous heureux d'avoir mis fin à la vie de cette personne ? J'aimerais qu'il réponde », a lancé Kudret Yanar à Kshawn Rocque qui, la tête penchée, évitait le regard accusateur de la soeur de la victime. « Ils ont enterré toute ma famille dans le même cimetière que mon frère », a-t-elle ragé.

Le juge François Dadour a condamné Kshawn Rocque à une peine de trois ans et demi de détention hier, à la suite d'une suggestion commune. Or, il ne lui reste en fait qu'une seule journée à purger en tenant compte des 28 mois de détention préventive, au cours desquels chaque journée compte pour une journée et demie.

Kshawn Rocque ne sera toutefois pas libre comme l'air aujourd'hui, puisque son sort sera ensuite entre les mains des services d'immigration du Canada. Il risque d'être expulsé vers Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

La famille du jeune homme de 28 ans, victime d'une erreur sur la personne, près d'un parc du quartier Côte-des-Neiges, a eu l'occasion de s'adresser au juge hier. « Mon frère, il est sept pieds sous terre, et cette personne devant nous aujourd'hui, elle va être libre comme l'air après... où est la justice ici ? », a asséné Behice Yanar, une des soeurs du défunt. « Après avoir perdu mon frère, j'ai perdu mon âme, je ne vis plus. Personne n'avait le droit de prendre la vie de mon frère. C'est une personne formidable, il avait un coeur d'ange... »

Le témoignage de Zuleyha Sen a suscité tant d'émotion chez les proches de la victime que la matriarche du clan, Hanim Sen, a dû quitter la salle en sanglots. « Mon frère me manque... je le voyais chaque jour », a murmuré la soeur de Fehmi Sen en pleurant. « Pourquoi lui ? J'espère que ces gens-là vont réfléchir après leur geste, pour que la justice soit rendue... mais notre deuil va continuer », a-t-elle eu la force de dire.

Photo fournie par la famille

Fehmi Sen a été tué par erreur en mai 2013, près d'un parc du quartier Côte-des-Neiges.

Photo La Presse

Kshawn Rocque a été condamné à une peine de trois ans et demi de détention, à la suite d'une suggestion commune. Il avait plaidé coupable à une accusation réduite de complicité après le fait.