Après huit semaines d'audience, 221 pièces déposées et 31 témoins entendus, la couronne a fini de présenter sa preuve contre le couple accusé de terrorisme Sabrine Djermane et El Mehdi Jamali, aujourd'hui au palais de justice de Montréal.

Les jeunes accusés doivent maintenant décider s'ils présenteront une défense au jury et, le cas échéant, s'ils prendront eux-mêmes la barre ou non. 

« Nous devons faire le point à la lumière de la preuve volumineuse qui a été entendue. C'est une étape cruciale. Nous devons nous rencontrer entre avocats et rencontrer nos clients», a expliqué au juge et aux 12 jurés l'avocat de Sabrine Djermane, Me Charles Benmouyal.

Quelques minutes plus tôt, c'est avec de larges sourires que le jury a accueilli la fin du témoignage du dernier et 31e témoin de la couronne, le spécialiste de l'extrémisme djihadiste, Tarek Mokdad, à la barre depuis la semaine dernière.

Aujourd'hui, ce dernier a longuement expliqué le processus de radicalisation islamiste et la manière dont il peut pousser «de jeunes personnes influençables» jusqu'au djihad.

Il a raconté comment certains, choqués par des injustices frappant des populations musulmanes ou déçus par des échecs politiques partout dans le monde, se mettent à faire des recherches sur Internet qui peuvent les mener tout droit vers de la propagande djihadiste. 

«Ils deviennent une terre fertile. (...) Qu'ils le sachent ou non, ils suivent un chemin qui pourrait les amener à faire leurs valises et migrer ou à commettre une attaque de style loup solitaire », a prévenu l'expert et policier à la Gendarmerie Royale du Canada. 

Selon lui, «Google est devenu le plus grand prêtre de l'islam». Un phénomène qu'il juge «dangereux».

Retour sur la preuve

Depuis le 12 septembre, la couronne fédérale, la procureure spécialiste des dossiers de terrorisme Lyne Decarie à sa tête, a fait entendre une preuve complexe et technique.

Plusieurs policiers ayant participé à l'enquête lancée en avril 2015 sur le couple sont venus expliquer ce qu'ils ont trouvé dans le cadre des perquisitions menées au domicile des amoureux et ceux de leurs parents, ou comment ils ont procédé à l'extraction des données contenues dans des ordinateurs et autres appareils électroniques saisis à ces endroits, dont plusieurs chants, photos et vidéos à saveur djihadiste.

Selon la preuve, la police a découvert une recette de bombe artisanale écrite à la main et pratiquement identique à celle suggérée dans un magazine publié par le groupe Al-Qaeda. 

Aussi trouvé : une liste d'items qui, selon l'expert Tarek Mokdad, à des similitudes avec la liste de préparation au voyage proposée par le groupe armé État islamique à ses futures recrues.

Il y a quelques semaines, le jury a également entendu une connaissance de Mme Djermane faire état de l'inquiétude de proches de la jeune femme face à sa « curiosité » pour la situation en Syrie, le djihad et le groupe armé État islamique et sur l'influence qu'avait sur elle El Mehdi Jamali.

Dans le cadre des nombreux contre-interrogatoires, les avocats des deux accusés ont tout de même réussi à présenter leurs jeunes clients sous un jour plus positif. Ils ont longuement questionné les témoins de la poursuite, tentant parfois de semer le doute sur leurs propos, parfois de les amener sur un terrain nouveau.

Le jury a ainsi appris que les ex-cégépiens voulaient se marier. Qu'ils rêvaient d'avoir des enfants. Qu'ils venaient en aide à une femme de leur communauté dans le besoin.

La défense, qui a déposé jusqu'à maintenant quelque 150 pièces en preuve pour les accusés, a aussi montré des conversations Facebook sur le sexe qualifiées par les avocats de «grivoises» et «ludiques». 

Les accusés doivent annoncer vendredi matin s'ils présenteront une défense.