Amir Khadir a tenu un propos diffamatoire en comparant l'homme d'affaires Marcel Melançon à un «bag man» pour le Parti Québécois. Mais il n'y pas eu d'autre diffamation et il n'aura pas à payer de dommages. De la même manière, M. Khadir est lui aussi débouté, car ce qu'il voyait comme une poursuite bâillon n'en est pas une.

C'est ce qui se dégage du jugement rendu mercredi, par le juge de la Cour supérieure Brian Riordan. Dans cette affaire, M. Melançon poursuivait M. Khadir pour des propos que ce dernier avait tenus à son endroit en deux occasions, à l'automne 2013, à l'émission de Benoît Dutrizac, sur les ondes du 98,5.

Le 26 septembre, M. Khadir avait dit:  «L'essentiel, c'est tout ce financement rattaché à des cadeaux. Monsieur Sauvé essentiellement c'est quoi, c'est que c'est un collecteur de fonds du PQ, du Parti Québécois, pas le seul d'ailleurs, le plus important c'était Marcel Melançon, l'ami et l'associé de Tony Accurso à la fin des années 90 début des années 2000... Mais les cocktails de financement où étaient les SNC Lavalin, où étaient des compagnies pharmaceutiques, des compagnies de construction, organisés par Marcel Melançon, c'était monnaie courante. Marcel Melançon, c'est celui qui donnait des le cours 101 de financement illégal à Jean Brault, qui en a parlé à la Commission Gomery.»

Après avoir reçu une mise en demeure de M. Melançon, M. Khadir s'était excusé par lettre, en novembre, et avait retiré ses paroles. Par contre, il avait récidivé trois semaines plus tard, encore à l'émission de M. Dutrizac. Il commentait la perquisition effectuée chez la soeur de Marc Bibeau. M. Dutrizac suggérait que M. Bibeau était un collecteur de fonds.

M. Khadir avait répliqué : «Ce qu'on appelle traditionnellement un bag man, un peu comme Monsieur Marcel Melançon agissait auprès du PQ à la fin des années 90, lorsqu'on a eu un rapport sur toute l'influence du milieu de la construction aussi dans le financement du Parti Québéois... Marcel Melançon, principal argentier du Parti Québécois à la fin des années 90, de maintenant s'asseoir sur des projets immobiliers de 500 millions de dollars, 500 millions de dollars juste à l'entour de l'hôpital, et ça c'est parfois sur des zones humides...»

Hormis le mot bag man, qui peut être considéré comme péjoratif, le juge conclut que les propos de M. Khadir étaient substantiellement vrais. Il peut y avoir diffamation même si les propos sont vrais, mais dans le cas présent, après avoir analysé le tout, le juge conclut que ce n'est pas le cas.

Au feu

M. Khadir s'est défendu en disant que c'était son rôle de poser des questions et ouvrir des débats sur les circonstances qui peuvent masquer de la corruption. Quand il voit de la fumée, il croit que c'est son devoir de crier «au feu.»

«C'est louable, certes, écrit le juge. Mais avant de crier au feu, il a l'obligation de vérifier si c'est vraiment de la fumée qu'il voit ou juste du brouillard matinal.»

Le juge note que M. Melançon occupait le poste principal du financement pour le camp du Oui au référendum de 1995. Ce n'est pas une injure d'associer son nom avec une activité légale et louable dans un contexte de démocratie ouverte, signale le juge. M. Melançon a aussi été associé en affaires avec Tony Accurso. Même si cette association a pris fin en 1999, le juge croit qu'il est peu probable que M. Melançon «réussisse à sortir d'en dessous de ce nuage qui assombrit sa vie et sa réputation.»

«Comment condamner le défendeur (Khadir) pour avoir- possiblement et seulement un peu- dépassé les limites ordinaires de la prudence dans sa lutte contre la corruption ? Comment trouver fautif le fait d'avoir, dans l'accomplissement de son devoir public, cassé quelques post, quelques petits pots comparés aux enjeux sociaux à risque ? Ce tribunal ne peut le faire», a noté le juge Riordan.