Amalan Thandapanithesigar se souvient d'avoir donné trois coups de couteau à l'homme qui, croyait-il, tournait autour de sa femme, et qui venait de l'insulter en le traitant de « vagin ». Mais il ne pensait pas l'avoir tué.

« Je ne pensais pas qu'il mourrait. J'ai su qu'il était mort quand j'étais au poste de police, après mon arrestation. J'ai pensé que ma vie était finie », a fait valoir M. Thandapanithesigar, lundi, devant le jury chargé de le juger. L'homme de 38 ans est accusé du meurtre prémédité de Jeyarasan Manikarasa, survenu dans la soirée du 23 juin 2014, dans une ruelle du quartier Côte-des-Neiges. M. Manikarasa était marié et père de trois enfants.

L'accusé et la victime sont tous deux originaires du même village au Sri Lanka et se connaissaient de vue avant de se revoir au Canada. M. Thandapanithesigar, fils d'un prêtre au Sri Lanka, soutient avoir été arrêté et torturé dans son pays natal, car on le soupçonnait de collaborer avec l'organisation des Tigres tamouls. Il est venu au Canada en 2001 comme réfugié politique et est citoyen canadien depuis 2004. Il a occupé divers emplois, notamment dans la restauration.

En 2007, M. Thandapanithesigar est retourné au Sri Lanka pour se marier, et il est revenu. Sa femme est venue au Canada, et ils ont une fille.

Pas le droit de bière

Questionné par son avocate, Élise Pinsonnault, l'accusé a admis qu'au Sri Lanka, il est très mal vu de boire en public. Une fois au Canada, M. Thandapanithesigar admet qu'il s'est mis à boire pas mal de bière. En 2014, il croyait bien que M. Manikarasa tournait autour de sa femme, ce qui, dans leur culture, est très mal vu.

Le 23 juin 2014, l'accusé avait bu de la bière et, de son balcon, a vu arriver M. Manikarasa. Ce dernier l'aurait traité de « vagin ». L'accusé s'est emparé d'un couteau, qu'il a glissé dans une feuille de papier, qui était en fait l'examen de conduite automobile de sa femme. Il est descendu et a montré son couteau à M. Manikarasa. Selon l'accusé, contre toute attente, M. Manikarasa lui a sauté dessus pour lui prendre le couteau, et les deux ont été pris dans une querelle. Il a repris le couteau et se souvient d'avoir donné trois coups à M. Manikarasa. L'anatomopathologiste a plutôt dénombré six blessures sur le corps de la victime, dont trois dans le dos.

M. Thandapanithesigar serait ensuite monté chez lui. Constatant qu'il avait du sang sur les mains, sa femme lui a dit d'aller voir la police. M. Thandapanithesigar est plutôt allé acheter une bière au dépanneur. Après en avoir bu une partie, il s'est rendu au club Paré, situé non loin, où il a bu une autre bière. Quand il est revenu chez lui, la police l'a arrêté. Il affirme ne pas tout se rappeler, car il était très ivre ce fameux soir.

En contre-interrogatoire, le procureur de la poursuite, Me Dennis Galiatsatos, a voulu démontrer que l'accusé n'était pas aussi ivre qu'il le prétend. Ce dernier semblait en possession de ses moyens quand il est allé au dépanneur, puis au club Paré, comme le montrent les vidéos des commerces. Au club, M. Thandapanithesigar a même demandé du papier pour essuyer ses jointures éraflées qui saignaient, et il a aussi essuyé les taches de sang qu'il avait faites sur le plancher. Le procès se poursuit mardi.