Alléguant des erreurs de droit dans les directives au jury, Emma Czornobaj demande à la Cour d'appel d'annuler le verdict de culpabilité rendu à son endroit, il y a presque trois ans.

Mme Czornobaj est cette jeune femme qui s'était arrêtée dans la voie de gauche sur l'autoroute 30, en début de soirée le 27 juin 2010, pour sauver des canetons qui y déambulaient. Une motocyclette arrivant derrière avait percuté sa voiture. Le conducteur, André Roy, et sa fille Jessy, qui était passagère sur la moto, avaient péri.

Au terme de son procès, en juin 2014, Mme Czornobaj a été déclarée coupable par un jury de conduite dangereuse et de négligence criminelle causant deux morts.

Me Jean-François Bouveret, qui a plaidé la cause de Mme Czornobaj hier, en Cour d'appel, a concédé que la décision d'arrêter sur l'autoroute était dangereuse et imprudente. Mais la perception de la jeune femme, qui n'avait que 21 ans et peu d'expérience de conduite au moment des faits tragiques, n'allait pas en ce sens. Elle croyait avoir évalué les risques correctement. Si cet aspect moral avait pu être considéré par le jury, le résultat aurait pu être différent.Il estime qu'avec les directives qu'il avait, le jury était obligé de la reconnaître coupable.

L'avocat a fait valoir qu'il y avait eu un certain malaise avec le jury. De fait, lors des délibérations, le jury avait demandé des précisions sur les directives, et avait même laissé entendre qu'il y avait une dissension. La juge Éliane Perreault, qui présidait le procès, avait reconnu qu'il s'agissait de concepts difficiles à saisir.

Hier, la procureure de la Couronne Annie-Claude Chassé a plaidé de son côté que le jury pouvait considérer l'ensemble de la preuve et que les directives avaient été suffisantes, claires et conformes aux enseignements de la Cour suprême. Elle a dit que la Couronne n'avait pas à faire la preuve de l'état d'esprit de l'accusée.

En appel de la peine

La juge Perreault avait imposé à Mme Czornobaj 90 jours de prison à purger les fins de semaine, ainsi qu'une interdiction de conduire de 10 ans, alors que la Couronne en demandait une de cinq ans. Me Bouveret demande de reconsidérer cet aspect de la peine, qu'il trouve excessif et déraisonnable. L'indice de dangerosité est extrêmement faible, et il ne faut pas mettre en péril la réhabilitation de Mme Czornobaj, a-t-il soutenu. Il n'en appelle pas des 90 jours de prison, si le verdict devait être maintenu en appel. Il faut dire que cette peine était moindre que ce que la Couronne demandait (neuf mois de prison). Les juges de la Cour d'appel, Jacques Dufresne, Gaétan Dumas et Étienne Parent, ont pris la cause en délibéré. Notons que la jeune femme a pu récupérer son permis de conduire, puisque sa cause est en appel.

La fin

Pauline Volikakis, qui a perdu son conjoint et leur fille de 16 ans lors de cette tragédie, a assisté à l'audience en Cour d'appel, avec des proches. « Je suis venue pour ma famille. C'est ma famille qui a vécu cet incident. J'espère qu'aujourd'hui, on arrive à une fin, qu'on va pouvoir tourner la page, voir l'avenir d'un autre oeil. »

Le verdict et la peine sont adéquats aux yeux de Mme Volikakis, et elle souhaite qu'ils soient maintenus. Sept ans pour arriver au bout, c'est long pour les proches des victimes. « Je ne comprends pas que la justice prenne tant de temps pour arriver à un jugement et que les familles subissent ça. C'est très long, c'est très dur, c'est très pénible », a-t-elle conclu.