Bertrand Charest était un entraîneur organisé, méticuleux, ferme, au style un peu militaire, qui voulait aller loin avec l'équipe, et qui livrait la marchandise. Jamais un athlète ou un parent ne s'est plaint à son égard, pendant les quatre ou cinq ans où il a été entraîneur de l'équipe laurentienne.

C'est, entre autres, ce que Régis Nivoix est venu dire, mardi, au procès de M. Charest. M. Nivoix, avocat de profession, était aussi directeur alpin de l'équipe laurentienne de ski, quand il a embauché Bertrand Charest comme entraîneur, en 1991. M. Charest a occupé ce poste jusqu'en 1996, moment où il est devenu entraîneur de l'équipe canadienne junior. 

M. Nivoix assure qu'il n'a jamais rien vu ni rien entendu de négatif au sujet de M.Charest, hormis les plaintes provenant de ses collègues entraîneurs. M.Charest avait des propos « déplaisants et assez abaissants » envers eux. « Crisse, où c'est qu'il a appris à skier, il a l'air d'une coulée », a illustré M. Nivoix, en faisant allusion à ce que pouvait dire M. Charest en voyant un skieur d'une autre équipe dévaler une pente. 

Il n'a été question d'aucun commentaire à caractère sexuel. Les enfants de M. Nivoix, un garçon et une fille, ont fait du ski de haut niveau dans l'équipe laurentienne. M. Charest a été l'entraîneur du garçon, et la fille est demeurée à l'Académie de ski, fondée par M. Charest en 1995. Ni l'un ni l'autre ne s'est plaint qu'il avait agi de manière déplacée, assure le M. Nivoix. 

Certes, M. Charest pouvait se montrer dur avec le garçon. « Il n'a pas été tendre avec mon fils, qui manquait un peu d'énergie. M. Charest trouvait les mots pour le secouer », a relaté M. Nivoix, en ajoutant que c'est normal dans le sport de haut niveau de secouer les athlètes. Des fois, quand il fait froid, ils voudraient aller à la cafétéria plutôt que sur les pentes. 

Ni vu ni entendu

En 1995, Bertrand Charest a créé une Académie de ski, à Saint-Jovite, sorte de pension-école qui pouvait accueillir une dizaine de skieurs. M. Nivoix dit qu'il y allait souvent, d'autant plus que sa fille y habitait. Il regardait l'état des chambres et ouvrait le frigo, pour voir si tout allait bien et que ça ne tournait pas en « soue à cochons, avec tous ces jeunes un peu bordéliques. » Là encore, il n'a rien vu ni entendu de négatif au sujet de M. Charest. 

M. Nivoix n'a rien entendu non plus, quand M. Charest a perdu son emploi d'entraîneur de l'équipe canadienne junior, en février 1998. M. Nivoix dit en avoir été bouleversé, et avoir tenté d'en savoir plus. Mais il n'a rien su. Personne ne l'a appelé ni les athlètes concernés ni les parents. C'était le silence radio. Pourtant, il en a côtoyé plusieurs dans les années suivantes, mais personne ne lui a parlé de rien, assure-t-il. 

M. Nivoix, qui a un bureau d'avocats, a revu M. Charest dans les années 2000, quand ce dernier lui a demandé de s'occuper d'une poursuite civile reliée à son entreprise. Il y en a eu une seconde un peu plus tard. Après l'arrestation de M. Charest, en 2015, M. Nivoix est allé faire signer des documents corporatifs à M. Charest en prison, puisqu'il n'a jamais été remis en liberté. À un autre moment, M. Charest a appelé M. Nivoix pour lui dire qu'il n'avait pas d'argent pour sa cantine. M. Nivoix lui a versé 60 $. 

Le procès se poursuit. Rappelons que M. Charest, maintenant âgé de 51 ans, est jugé sous 57 accusations de nature sexuelle reliées à des faits qui se seraient produits entre 1991 et 1998, à l'égard de 12 jeunes skieuses qu'il entraînait. M. Nivoix est le second témoin appelé par la défense.