L'ex-juge de la Cour d'appel Jacques Delisle, qui purge une peine de prison à vie pour le meurtre de sa femme, va demeurer derrière les barreaux en attendant le résultat de sa demande de révision judiciaire du verdict auprès de la ministre fédérale de la Justice, a tranché un juge, mercredi.

Jacques Delisle se dit victime d'une erreur judiciaire, et il a demandé à être libéré pendant que sa demande est étudiée à Ottawa.

Mais le juge Benoit Moulin, de la Cour supérieure, a refusé que l'homme de 81 ans soit remis en liberté, car il estime que cela pourrait miner la confiance du public envers le système de justice.

Il a rendu sa décision mercredi matin après avoir entendu cet automne les arguments du procureur de la Couronne et des avocats de l'ex-juge.

«La confiance du public dans l'administration de la justice commande que M. Delisle continue de purger sa peine: un public formé de personnes raisonnables, bien informées des dispositions législatives et des circonstances réelles de l'affaire, qui apprécient les fondements de notre système de justice criminelle et qui ne sont pas mues par la passion, mais par la raison, n'accepteraient pas la mise en liberté, à ce stade des procédures», écrit le magistrat dans sa décision.

«L'âge du requérant et le soutien dont il bénéficie de la part de ses proches et de plusieurs ex-collègues, de même que la conviction que certains puissent exprimer quant à son innocence ne diminuent en rien cette conclusion», est-il aussi précisé.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) s'est déclaré satisfait mercredi de la décision du juge Moulin.

«C'est une décision extrêmement bien motivée. Une décision de 47 pages», a commenté le porte-parole du DPCP, René Verret.

«Maintenant, compte tenu que la demande de révision de M. Delisle est toujours pendante devant la ministre fédérale de la Justice, nous ne ferons pas d'autres commentaires», a-t-il conclu.

Jacques Delisle a été condamné en 2012 pour le meurtre de son épouse, Nicole Rainville, âgée de 71 ans. Il est incarcéré depuis.

Selon la version de l'ex-juge de Québec, sa femme, dépressive et paralysée du côté droit, se serait enlevé la vie en 2009 à l'aide d'un revolver, retrouvé à côté de son corps inanimé.

Le procureur de la Couronne avait de son côté plaidé que Jacques Delisle s'était débarrassé de sa femme pour vivre avec sa maîtresse et éviter un coûteux divorce.

Une complexe preuve balistique a été présentée de part et d'autre, visant à démontrer si Mme Rainville avait pu s'infliger elle-même cette blessure par balle.

Le verdict de culpabilité a été confirmé par la Cour d'appel. La Cour suprême du Canada a par la suite refusé d'entendre l'appel de l'ex-juge.

Son avocat a alors présenté une demande de révision de son cas au ministre fédéral de la Justice, une procédure rare, prévue au Code criminel, utilisée dans certains cas d'erreur judiciaire. L'étape d'enquête est enclenchée lorsqu'il y a des informations «nouvelles et importantes» dans un dossier. Les avocats de Delisle ont soutenu que de nouveaux tests balistiques démontrent que le jury a condamné Jacques Delisle sur une preuve inexacte et espèrent qu'il va obtenir un second procès.

Pour l'instant, le juge Moulin n'a pas jugé cette preuve suffisamment concluante pour autoriser la remise en liberté. Cette même preuve sera toutefois revue par la ministre de la Justice. À ce sujet, le juge Moulin a écrit dans son jugement: «L'analyse des opinions des divers experts mène à la conclusion qu'à tout le moins, la preuve pathologique et balistique demeure litigieuse: si une partie de cette preuve soulève, comme au procès, l'hypothèse d'un suicide, une autre partie de cette même preuve l'exclut. Par ailleurs, aucun expert n'exclut l'homicide.»

De plus, le verdict de culpabilité de meurtre prémédité n'a pas été prononcé sur la seule preuve d'experts, rappelle le juge Moulin. Beaucoup d'autres éléments de preuve avaient été présentés au jury.

Jacques Delisle n'avait pas témoigné à son procès. L'année dernière, il avait admis en entrevue qu'il avait aidé Mme Rainville à s'enlever la vie en lui laissant un fusil chargé à sa disposition.