Chaque année, devant une salle comble, la trésorière du Syndicat des employés de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Ginette Charest, faisait de belles présentations comptables qui rassuraient tout le monde. Placé judicieusement par elle, l'argent des membres fructifiait de belle façon. On la félicitait.

En réalité, Mme Charest vidait tranquillement le compte de banque, pour jouer au casino.

Le pot aux roses a été découvert à l'été 2009, quand les chèques ont commencé à « rebondir ». Hier, la femme de 72 ans a pris le chemin de la prison pour purger la peine de 30 mois que lui a imposée la juge Lori Renée Weitzman. La fraude, qui s'est étirée pendant un peu plus de cinq ans, de 2004 à 2009, se chiffre à 691 000 $. C'est simple, le syndicat s'était retrouvé ruiné, alors que les négociations avec l'employeur allaient s'engager.

Dans la foulée, il avait fallu imposer des cotisations spéciales aux 120 membres, a-t-on fait valoir dans le cadre des observations sur la peine.

Mme Charest, qui travaillait au syndicat depuis 1989, avait bien caché son jeu. Elle s'était fait 179 chèques au fil des ans. Elle maquillait les chiffres et créait des placements fictifs, pour camoufler les ponctions qu'elle faisait.

Ses collègues de l'exécutif du syndicat sont tombés des nues en apprenant la chose.

« Elle avait toute notre confiance », a expliqué Guy Drouin, qui était président du syndicat à l'époque. L'homme a vécu la chose très difficilement et s'est même retrouvé en congé de maladie, a expliqué la juge Weitzman, au moment de rendre sa sentence. Il n'a plus voulu occuper de poste dans le syndicat par la suite.

« MALHEUREUSEMENT, CE N'EST PAS UN CAUCHEMAR »

En ce qui concerne Mme Charest, une comptable, elle a fait une tentative de suicide après que son manège eut été découvert. « J'aimerais vous dire que tout ça est un cauchemar. Mais ce n'est malheureusement pas le cas », avait-elle admis, dans une lettre.

La femme a bien sûr perdu son emploi, et a été poursuivie au civil. La poursuite a été abandonnée, car Mme Charest a fait faillite en 2012. Les accusations criminelles ont été portées en 2013. Elle a finalement plaidé coupable à deux accusations de fraude.

Selon son récit, Mme Charest, une célibataire plutôt solitaire, a attrapé le virus du casino en 2004. Outre l'argent des membres, elle y a englouti ses économies personnelles, dont ses REER. Elle avait toujours espoir de « se refaire », faisait de la fuite en avant, a-t-elle expliqué.

Après que l'affaire a éclaté, elle a fait des thérapies, s'est volontairement fait exclure du casino, mais a rechuté. Une fois libérée de sa faillite, elle avait pu récupérer environ 7000 $, qui sont eux aussi passés dans le jeu.

Elle regrette, mais n'a rien remboursé au syndicat, a fait valoir la juge. Mme Charest, qui a des ennuis de santé, est abstinente depuis un an maintenant, a signalé la juge.

Vêtue d'un ensemble en coton ouaté, Mme Charest n'avait que son sac à main pour tout bagage quand elle a pris le chemin de la prison.