Le magistrat qui décidera jeudi si l'ancien animateur vedette de la CBC Jian Ghomeshi doit être reconnu coupable d'agressions sexuelles semble très attaché au principe juridique fondamental qui veut que la Couronne doive prouver «hors de tout doute raisonnable» la culpabilité d'un accusé.

Le juge William Horkins, de la Cour de l'Ontario, préside ce procès où la défense a quelque peu bousculé les trois présumées victimes venues témoigner. Marie Henein et son équipe ont procédé à un contre-interrogatoire musclé des témoins, mettant l'accent sur leurs trous de mémoire et présentant en preuve des courriels et des photos qui ont pu se révéler gênantes pour leur cause.

Or, les précédents jugements de M. Horkins suggèrent que la preuve «hors de tout doute raisonnable» est pour lui primordiale, soutiennent des criminalistes qui ont déjà croisé son chemin. Le juge a ainsi rejeté des accusations d'agression sexuelle contre un suspect en 2008 malgré des preuves ADN assez accablantes et un témoignage de l'accusé pourtant qualifié par le juge de «fantaisiste».

Et même lorsqu'il s'est rangé aux arguments de la Couronne, il a continué à interpréter le droit de façon très studieuse. Les avocats qui ont plaidé devant lui parlent d'un magistrat minutieux et juste, extrêmement bien préparé. «Il ne souffre pas beaucoup de voir devant lui un imbécile (...) il sera le premier à le signaler» devant tout le monde au tribunal, résume l'avocat de la défense torontois Corben Cawkell.

William Horkins a passé la moitié d'une carrière de 36 ans comme avocat de la défense et de la Couronne, puis l'autre moitié comme juge à la Cour de l'Ontario, depuis 1998. Il est par ailleurs reconnu pour tenir compte non seulement de l'affaire devant lui, mais aussi des contextes plus larges - il est ainsi parfois très critique à l'endroit des longs délais du système judiciaire. En 2010, il avait carrément rejeté les accusations portées contre l'employé d'un foyer de soins de longue durée soupçonné d'avoir agressé un patient, parce que l'affaire avait trop traîné. Il avait repris dans son jugement l'adage anglophone «Justice différée est justice refusée».

Dans les cercles judiciaires, on semble reconnaître par ailleurs que le juge Horkins est un magistrat juste. Selon Me Cawkell, le juge a ainsi manifesté cette droiture au procès Ghomeshi lorsqu'il a rejeté la requête de certains médias qui voulaient obtenir une photo de l'une des plaignantes en bikini. Le juge Horkins a rappelé alors que le tribunal doit jouer un rôle de «gardien» de la vie privée des présumées victimes d'agression sexuelle.

Mais le procès Ghomeshi repose essentiellement sur la crédibilité des témoins, un concept que le juge Horkins a déjà soupesé dans des causes d'agressions sexuelles. Notamment dans l'affaire de 2008, où deux femmes accusaient un homme de les avoir agressées alors qu'elles étaient droguées.

Le juge Horkins a été très critique à l'endroit du témoignage de l'accusé et a qualifié de crédibles certains aspects du témoignage des plaignantes, mais il a quand même rejeté les accusations, plaidant le doute raisonnable. Dans ce jugement, il a peut-être échafaudé l'approche qu'il utilisera au procès Ghomeshi: «Ce n'est pas seulement un concours de crédibilité entre plaignantes et accusé. Dans un procès criminel, il faut prouver hors de tout doute raisonnable», écrivait-il alors.