Que faut-il penser de la présence d'un membre de la garde rapprochée du premier ministre Stephen Harper dans les couloirs du palais de justice au procès de Mike Duffy?

L'équipe de campagne des conservateurs a soutenu mercredi qu'elle ne pouvait spéculer sur le contenu des discussions qui ont eu cours entre l'actuel responsable de la gestion des enjeux au cabinet du premier ministre, Nick Koolsbergen, et son prédécesseur, Chris Woodcock, qui témoignait lundi et mardi au procès Duffy, à Ottawa.

Interrogé par La Presse Canadienne, M. Koolsbergen a indiqué, par la voix du porte-parole de la campagne conservatrice, Stephen Lecce, qu'il était présent au palais de justice simplement pour prendre des notes, «comme tout le monde».

Ce tête-à-tête de couloir illustre en tout cas à quel point Mike Duffy est le seul acteur de ce scandale qui demeure «persona non grata» au Parti conservateur - après le départ en disgrâce de Nigel Wright. Tous les autres personnages de cette affaire occupent des postes enviables depuis la crise de 2013 - et certains ont même pris du galon.

M. Harper a inlassablement jeté tout le blâme de ce scandale sur MM. Duffy et Wright, exclusivement. Pour lui, le synopsis du film est simple: c'est l'histoire d'un homme qui paye secrètement les dépenses inappropriées d'un autre. Le premier ministre n'a jamais qualifié les gestes posés par son entourage et certains sénateurs: les tentatives pour tronquer certains détails d'un rapport d'audit confidentiel sur Mike Duffy, ou pour en obtenir des extraits avant tout le monde, l'atténuation des conclusions d'un rapport sénatorial, les efforts déployés pour tromper les Canadiens.

Nigel Wright, alors chef de cabinet de M. Harper, a assumé une bonne partie du blâme et a quitté son poste en mai 2013. Mais d'autres acteurs n'ont pas été embêtés le moins du monde par toute cette affaire.

Le responsable de la gestion des enjeux au cabinet du premier ministre à l'époque du scandale, Chris Woodcock, est devenu ensuite chef de cabinet du ministre des Ressources naturelles d'alors, Joe Oliver, avant d'aller occuper un poste de direction à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), une société de la Couronne. C'est lui qui témoignait cette semaine au procès de Mike Duffy.

Le secrétaire principal du premier ministre à l'époque de l'affaire, Ray Novak, a été promu chef de cabinet à la place de Nigel Wright, poste qu'il occupe toujours, en plus d'être directeur principal de la campagne conservatrice. Le directeur des affaires parlementaires, Patrick Rogers, est devenu directeur des politiques au cabinet de la ministre du Patrimoine, Shelly Glover.

Les sénateurs conservateurs qui ont mouillé dans le scandale - et qui, à titre de parlementaires, n'étaient pas redevables à M. Wright - n'ont jamais été blâmés non plus par M. Harper. Ainsi, le sénateur Irving Gerstein, qui a joué de ses relations au cabinet Deloitte pour obtenir des détails du rapport de vérification externe sur Mike Duffy, est toujours président du Fonds des conservateurs du Canada. C'est lui qui avait un jour suggéré de rembourser les 32 000 $ de dépenses de M. Duffy - un scénario, du reste, jamais commenté publiquement par M. Harper.

Et selon Nigel Wright, c'est le sénateur David Tkachuk, ancien président du puissant comité de régie interne, qui avait proposé d'abandonner la vérification des dépenses de M. Duffy.

L'obstination du premier ministre à rejeter le blâme du scandale sur son subalterne Wright ne respecte pas non plus le principe de responsabilité ministérielle, qui prévoit que les ministres sont responsables des gestes posés par leurs conseillers et leur personnel politique. Ce principe était cher aux conservateurs, qui avaient vu le premier ministre libéral Jean Chrétien et son ministre Alfonso Gagliano rejeter - avec succès - le blâme du scandale des commandites sur leur entourage politique et des hauts fonctionnaires.