Des avocats du Sénat tentent d'empêcher le dépôt, au procès de Mike Duffy, d'un document interne qui pourrait embarrasser la chambre haute.

Le juge au procès a suspendu les procédures courantes, jeudi, pour entendre les arguments des avocats - notamment ceux du sénateur et ceux d'un groupe de médias d'information, qui souhaitent la publication du document interne.

Le sénateur conservateur suspendu a plaidé non coupable à 31 chefs d'accusation de fraude, de corruption et d'abus de confiance. Plusieurs de ces chefs sont liés au fait que le sénateur, qui représente l'Île-du-Prince-Édouard, a déclaré comme résidence secondaire à Ottawa une maison où il habitait depuis longtemps. Cette déclaration lui a permis de réclamer des remboursements de près de 90 000 $ en frais de logement.

Le document qui fait l'objet d'un litige est un rapport inédit de vérification interne menée au début de 2013 par une haute fonctionnaire du Sénat, Jill Ann Joseph, lorsque les allégations ont commencé à circuler sur les remboursements en frais de logement réclamés par certains sénateurs, dont M. Duffy. La directrice de la vérification interne au Sénat avait alors conclu à l'absence de critères pouvant définir une «résidence secondaire», un argument que tente inlassablement de démontrer la défense au procès de M. Duffy.

Mais le Sénat soutient que le rapport de vérification interne, secret, ne devrait pas être publié en vertu du «privilège parlementaire». Cette protection séculaire accorde aux législateurs l'immunité contre toute poursuite judiciaire, afin qu'ils puissent remplir leurs fonctions le plus librement possible.

L'un des avocats de M. Duffy, Peter Doody, a plaidé que le Sénat sélectionne ce qu'il veut bien daigner montrer à la défense et au tribunal. Selon Me Doody, la chambre haute a auparavant accepté sans sourciller que des documents touchant le sénateur Duffy - dont certains considérés comme secrets - soient produits en preuve au procès.

De toute façon, a-t-il plaidé, le rapport de vérification interne n'est pas couvert par le privilège parlementaire, puisqu'il ne s'agit pas d'un témoignage au Sénat ou en comité. Selon Me Doody - et son collègue représentant les médias, Peter Jacobsen -, c'est au Sénat de faire la preuve que le document est protégé par le privilège parlementaire, en vertu d'un arrêt de la Cour suprême en 2005.

Selon Me Jacobsen, le privilège parlementaire a été conçu pour garantir aux législateurs une liberté d'agir, et non pour leur permettre de cacher des choses aux citoyens.