Ils se sont fait passer pour des diplomates nigérians et ont combiné des crimes pour parvenir à leurs fins: l'arnaque du black money, et l'importation de cocaïne depuis la Bolivie et l'Équateur. Onze personnes âgées de 53 à 75 ans, qui ont cru à la manne providentielle ou aux belles promesses, ont été utilisées comme mules à leur insu et se sont fait prendre à transporter de la cocaïne depuis l'Amérique du Sud.

Aujourd'hui, John Izu Nwoko, 42 ans, et Charles Ifezue, 36 ans, maîtres d'oeuvre de cette combine, risquent 14 ans de prison.

En raison de la haute «sophistication» et des circonstances «choquantes» de l'affaire, c'est la peine que la procureure de la Couronne Ninette Singoye a demandée, vendredi, pour les deux hommes. Coupant court à leur enquête préliminaire cette semaine, ceux-ci ont plaidé coupable à des accusations de complot, importation et possession de drogue. Les faits se sont produits entre janvier 2012 et janvier 2014.

Onze

Les onze personnes utilisées comme mules ont été interceptées dans des aéroports à Toronto, Montréal, aux États-Unis ou en Amérique du Sud. En tout, ce sont 34 kilos de cocaïne qui ont été saisis.

Les mules ont été arrêtées et incarcérées. Trois sont toujours derrière les barreaux en Équateur et un au Pérou. Après enquête de la GRC, les accusations portées contre les personnes arrêtées aux États-Unis et au Canada ont été retirées.

Les accusés

Les deux accusés sont citoyens canadiens. Ifezue est né au Canada, tandis que Nwoko est arrivé en 2000. Ils ont fréquenté l'université tous les deux. Nwoko vient d'une famille aisée au Nigeria. Vendredi, les deux hommes ont fait part de leur repentir à la juge Linda Despots. Ifezue, qui a fait de la musculation en prison, a même écrasé une larme à la barre. Les soeurs de Nwoko sont venues plaider en sa faveur. Leur frère avait un passé sans tache, ont-elles fait valoir.

L'avocat des accusés, Robert Bellefeuille, a convenu qu'on ne pouvait en vouloir aux victimes, mais a signalé qu'elles avaient tout de même fait preuve d'aveuglement. Elles espéraient que leur rêve deviendrait réalité. Il a proposé une peine de cinq ans, qui s'additionnerait à la détention préventive. Les accusés sont détenus depuis leur arrestation, en février 2014.

Habituellement, ce type de crime appelle des peines variant de 2 à 12 ans, mais Me Singoye estime pour sa part que le présent cas demande une peine plus lourde. La juge Linda Despots se prononcera le 7 mai.

Victime vulnérable

Une des victimes avait le cancer et souhaitait voyager avant de mourir. Nwoko s'est dit représentant d'une fondation du genre The Wish Foundation. La «fondation» lui a offert un voyage en Amérique du Sud...

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA GRC

Charles Ifezue

Les étapes de l'arnaque

1. Courriels à tous vents

L'arnaque commençait généralement par un courriel lancé à tout vent, annonçant un gain fabuleux à la loterie, un héritage fantasmagorique à récupérer ou un voyage. Le genre de courriel que la plupart des gens glissent rapidement dans la poubelle virtuelle. Mais d'autres, moins avertis et plus vulnérables, tombent dans le panneau. C'est le cas ici.

2. Argent et confiance

Pour récupérer le prix ou l'héritage, il fallait envoyer de l'argent. Il y avait des échanges, une relation de confiance s'établissait. Les accusés étaient extrêmement habiles.

3. Argent noirci

Les victimes étaient ensuite invitées à venir chercher leur prix à Montréal. Il y avait rencontre dans un hôtel, et ensuite dans un appartement. Sur place, on leur montrait le supposé magot. Seul problème, faisait-on valoir, il s'agissait d'argent noirci, qu'il fallait nettoyer avec un produit spécial. Malheureusement, il n'y avait plus assez de produit pour faire ce blanchissage miraculeux. Il fallait aller en chercher à l'étranger.

4. Bon voyage

On offrait alors aux personnes de faire le voyage, billet d'avion fourni, pour rapporter le fameux produit. Une fois à l'étranger, les personnes rencontraient un contact qui leur remettait un cadeau ou un objet à rapporter aux deux « diplomates ». Il y avait des variantes à la tactique. Quoi qu'il en soit, les 11 personnes dont on parle ici ont été interceptées dans des aéroports et en ont payé le prix. Combien ont réussi à passer? Nul ne le sait, hormis les accusés.