Une commis comptable qui a fraudé son employeur pour 1,8 million explique son crime par le harcèlement au travail qu'elle dit avoir subi.

«L'ampleur de la fraude correspond à l'ampleur du harcèlement», a fait valoir Nathalie Léonard, lundi, alors qu'elle témoignait dans le cadre des plaidoiries sur la peine qui doit lui échoir. La femme de 54 ans a plaidé coupable à deux accusations de fraude à l'égard d'Acmon, société de gestion d'immeubles où elle a travaillé de 1980 à 2005. La fraude s'est produite pendant les six dernières années.

La quinquagénaire admet que ce qu'elle a fait n'est «pas génial», d'autant plus que selon ses dires, elle n'avait «pas besoin d'argent» quand elle fraudait. «Mon mari gagnait 200 000$ par année», a-t-elle illustré.

Le stratagème de Mme Léonard consistait à émettre des chèques à une société à numéro qu'elle avait formée. En grande partie, l'argent a abouti dans le compte du salon de coiffure Au Jardin de Jouvence de Rosemère, propriété de Mme Léonard. Elle a ouvert le commerce en 1996 et l'a vendu en 2005, année où le pot aux roses a été découvert et où elle a été congédiée.

Mme Léonard est entrée chez Acmon à 20 ans. L'ambiance était agréable, dit-elle, mais 12 ans plus tard, tout a basculé avec l'arrivée d'une nouvelle supérieure. Le harcèlement a commencé de façon insidieuse, raconte-t-elle. Mme Léonard dit qu'elle n'était pas la seule à se faire insulter et traiter de «concombre» devant tout le monde. Elle considère que cela l'a plongée dans un état second. Selon elle, ses gestes étaient un appel à l'aide.

«Je voulais que le harcèlement cesse, c'est là que les transactions ont commencé», a-t-elle dit. De 1999 à 2005, elle s'est fait 64 chèques. Ses supérieurs, n'y voyant que du feu, les ont signés.

Comparée à Robin des bois

Mme Léonard soutient avoir redistribué l'argent d'Acmon à des oeuvres de charité. Par exemple, après un article paru dans Le Journal de Montréal, elle dit avoir donné 50 000$ à un petit garçon qui avait besoin d'aller se faire opérer aux États-Unis. Elle a fait d'autres dons substantiels à d'autres organismes, assure-t-elle. Elle a raconté qu'un psychologue qu'elle a consulté l'avait comparée à Robin des bois.

Malheureusement, Mme Léonard n'a aucune preuve de ses dons, car tout était fait en «cash» de façon anonyme.

La générosité de Mme Léonard ne s'arrête pas là. Elle s'est inscrite pour donner un rein à un très bon ami, qui doit se faire enlever ses deux reins, peut-être cette semaine, a-t-elle expliqué.

Mme Léonard est suivie par une psychologue depuis 2008. Celle-ci, Sylvie Gerbau, trouve qu'il s'agit d'une cliente fort intéressante. Elle est d'avis que Mme Léonard souffre d'un stress «post-traumatique» en raison du harcèlement qu'elle a subi. Un diagnostic qui n'a pas du tout convaincu la procureure de la Couronne Mélanie Hébert.

Prison ou pas

Me Hébert demande une peine de quatre à six ans de pénitencier pour Mme Léonard. Malgré ses prétentions de grande détresse psychologique, Mme Léonard a été capable de travailler et d'entretenir la fraude pendant six ans, tout en exploitant son commerce.

Me Dominique Shoofey propose d'imposer à sa cliente une peine de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité. L'avocat a insisté sur la fragilité et la détresse psychologique de Mme Léonard. Elle a admis ses gestes dès qu'un policier l'a appelée, à la suite d'une plainte d'Acmon.

«Oui, je l'ai fait, c'était pour leur montrer que j'étais pas si folle que ça», avait dit Mme Léonard.

«Son intention n'était pas de s'enrichir», a fait valoir l'avocat, qui a aussi fait ressortir que Mme Léonard a été condamnée au civil à rembourser Acmon et qu'elle fait un dépôt volontaire de 400$ par mois.

Le juge Labelle rendra sa décision le 10 avril.