Au procès des deux hommes accusés d'avoir planifié une attaque terroriste contre un train de Via Rail reliant le Canada et les États-Unis, la Couronne a fait valoir d'entrée de jeu, lundi, que les accusés ont planifié leurs actes pendant des mois et qu'ils voulaient tuer le plus de gens possible.

Et ces deux hommes, Raed Jaser et Chiheb Esseghaier, sont des extrémistes islamistes, a affirmé le procureur de la Couronne, Me Croft Michaelson, lors de la première journée du procès, à Toronto.

Les deux hommes ont enregistré un plaidoyer de non-culpabilité. Ils sont accusés d'avoir fomenté un complot contre un train de passagers de Via Rail.

Me Michaelson a expliqué au jury que dans le cadre de sa preuve, il allait exposer comment les deux hommes avaient au départ formé un groupe terroriste au Canada en 2012. Et ils avaient bien l'intention de tuer le plus de gens possible, dans le but de semer la peur dans la communauté, a résumé le procureur de la Couronne.

Les deux hommes voulaient ainsi faire pression sur les gouvernements du Canada et des États-Unis afin qu'ils ordonnent le retrait de leurs troupes des territoires musulmans, a ajouté Me Michaelson.

Esseghaier, un Tunisien qui travaillait en recherche sur les nano-capteurs à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) à Varennes, fait face à cinq accusations, incluant celle d'avoir appartenu à un groupe terroriste. Il a voyagé en Iran au début de l'année 2012 et y a rencontré des gens qui, selon ses propres mots, «faisaient la promotion du djihad pour le compte d'Allah», a résumé Me Michaelson.

Jaser, un résident permanent d'origine palestinienne, fait face à quatre accusations, incluant celle d'avoir commis une infraction criminelle pour un groupe terroriste. Il a fait la connaissance d'Esseghaier, avec qui il voulait «mener plusieurs missions, afin que les Canadiens comprennent qu'ils ne seraient jamais en sécurité tant qu'ils n'auraient pas quitté les territoires d'outremer», a raconté le procureur de la Couronne.

C'est un agent d'infiltration du FBI qui a réussi à gagner la confiance des deux hommes et à enregistrer leurs conversations. Ces enregistrements sont devenus des éléments de preuve. L'agent s'était fait passer pour un riche homme d'affaires dans l'immobilier. Il avait rencontré Esseghaier lors d'un vol à destination de la Californie en juin 2012.

«Ils ont discuté de plusieurs moyens pour tuer des gens. Et un des moyens qui a fait consensus était celui de faire dérailler un train de passagers qui reliait New York à Toronto», a précisé Me Michaelson.

Lors des échanges entre l'agent du FBI et Esseghaier, ce dernier lui avait raconté son passage en Iran. L'agent, de son côté, avait prétendu soutenir financièrement les Moudjahidines et être prêt à faire davantage pour la cause.

Esseghaier lui avait ensuite parlé d'un «ami palestinien» à Toronto, Jaser, qui était «vraiment dans le djihad» et qui partageait un projet avec lui.

«Esseghaier a expliqué que leur plan consistait à créer un trou de cinq à six mètres dans un pont ferroviaire, causant ainsi un gros accident. Il avait précisé que le plan devait être exécuté en décembre», a résumé l'avocat.

Ce plan prévoyait également l'enregistrement d'une vidéo justifiant l'attentat, qui serait diffusée en ligne. Le message aurait été clair: «Ce n'est que le commencement; si vous ne sortez pas de nos territoires, on en fera d'autres», a relaté Me Michaelson.

«Jaser a affirmé qu'il se fichait de savoir qui mourrait (dans l'attentat). Il a dit que tout le monde était une cible potentielle», a raconté Me Michaelson.

Jaser avait aussi indiqué à l'agent d'infiltration du FBI qu'il avait un plan à plus long terme d'embaucher un tireur d'élite pour viser des dirigeants au Canada, a noté le procureur de la Couronne.

Les deux hommes ont fait du repérage auprès d'au moins deux ponts ferroviaires dans le cadre de la planification de leur complot. Ils ont finalement opté pour un pont à l'est de Toronto.

À un certain moment, Jaser a trouvé que le complot nécessitait beaucoup de travail pour bien peu de résultats. Il disait craindre que l'attentat ne résulte qu'en quelques morts de «brebis», alors qu'il visait plutôt «le loup».

C'est en septembre 2012 que leur complot a commencé à être éventé, lorsque des policiers en uniforme ont interpellé les deux hommes qui exploraient un pont ferroviaire et leur ont demandé de s'identifier.

Jaser et Esseghaier ont finalement été arrêtés en avril 2013.

Illustration archives AFP

Raed Jaser lors de sa comparution en avril 2013.