En octobre 2007, Guy Lafleur avait eu cette intimidante rencontre avec des policiers, qui lui avaient dit que le FBI l'avait à l'oeil. Trois mois plus tard, voilà qu'on menaçait de venir l'arrêter chez lui s'il ne se présentait pas rapidement au poste, pour avoir livré des témoignages contradictoires. C'en était trop.

« J'aimerais trouver les mots comme certains sont capables de le faire. Moi, je ne suis pas capable. Ça fait mal. J'étais à l'envers, j'étais humilié », a résumé Guy Lafleur, hier, alors qu'il témoignait à Montréal dans le cadre de la poursuite civile qu'il a intentée contre la Ville de Montréal et le Procureur général du Québec.

M. Lafleur reproche à une policière du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et à une procureure de la Couronne d'avoir abusé de leurs pouvoirs en l'accusant pour des motifs inavoués. Il leur reproche aussi d'avoir procédé de la mauvaise façon, parce qu'un mandat d'arrêt visé a été lancé contre lui, alors que les circonstances ne le justifiaient pas. Il réclame un peu plus de deux millions en dommages.

Au terme de son procès en Cour du Québec, en 2009, M. Lafleur avait été déclaré coupable d'avoir livré des témoignages contradictoires. Mais il a été acquitté en Cour d'appel, l'année suivante.

Son fils accusé

Depuis que sa brillante carrière au hockey a pris fin, en 1991, M. Lafleur travaille principalement en publicité et fait office, entre autres, d'ambassadeur du Canadien de Montréal. Sa réputation est très importante, a-t-il laissé entendre, en amorçant son témoignage.

En 2007, son fils Mark a eu des ennuis avec la justice. Il a été accusé d'agression sexuelle et voies de fait sur son ex-conjointe. Le 19 septembre 2007, M. Lafleur a assuré devant un juge que son fils respectait son couvre-feu quand il était à la maison. Le 15 octobre, alors qu'il s'apprêtait à témoigner devant un autre juge, toujours pour son fils Mark, M. Lafleur a été informé par Me Jean-Pierre Rancourt que la Couronne « l'avait dans les câbles ». Ils avaient une facture prouvant que Mark avait couché dans un hôtel, et non pas chez ses parents. Me Rancourt a avisé Guy Lafleur qu'il n'était pas obligé de témoigner.

« J'ai dit : "Je vais témoigner, je n'ai rien à cacher." »

Lors de ce témoignage, en octobre 2007, M. Lafleur a admis que son fils avait couché à l'hôtel.

M. Lafleur a aussi raconté que quelques jours auparavant, il avait été convoqué dans un poste de police par deux enquêteurs. Sur place, ils lui ont montré la photo de Whithey Bulger, un criminel recherché depuis des années par le FBI, dont la tête était mise à prix pour un million. Bulger était le beau-père de Chris Nilan, qui avait joué pour le Canadien.

« Ils pensaient que je savais où Bulger se cachait. Mais je ne l'ai vu qu'une fois, dans les années 80, lors d'un souper du Canadien », a relaté M. Lafleur.

Les policiers ont questionné M. Lafleur sur ses avoirs et lui auraient dit que le FBI l'avait à l'oeil.

« C'était partout sur internet »

Quoi qu'il en soit, le 30 janvier 2008, M. Lafleur a reçu un appel de la policière Françoise Fortin, du SPVM, qui voulait le rencontrer pour avoir livré des témoignages contradictoires. Un rendez-vous a été pris pour le 7 février, mais après, il semble que c'était trop éloigné. La policière a rappelé « en panique », disant qu'il pourrait être arrêté chez lui s'il n'était pas raisonnable.

M. Lafleur dit être resté debout toute la nuit parce qu'il était nerveux, et avoir gardé son manteau sur le dos, tellement il avait froid. La nouvelle était déjà dans les médias. « C'était partout sur internet », a-t-il dit.

Au poste de police, le 31, M. Lafleur a été fouillé par palpation. La policière lui a lu ses droits, mais elle avait beaucoup de difficulté à le faire, se souvient M. Lafleur. Il a été libéré sans qu'on lui impose de condition, avec une promesse de comparaître.

« Je me suis senti très humilié, j'étais traité comme un criminel », a-t-il dit. Sa conjointe, Lise, qui assiste au procès, a énormément souffert de tout cela, a-t-il fait valoir. M. Lafleur poursuivra son témoignage aujourd'hui.

Un peu plus tôt dans la journée, la policière Fortin a affirmé que c'est la Couronne qui voulait accuser M. Lafleur de témoignages contradictoires. Habituellement, la police enquête et donne le dossier à la Couronne pour approbation. Dans ce cas-ci, c'est le contraire qui s'est produit. Le dossier est arrivé à la policière préautorisé par la Couronne.

Selon la policière, il s'agissait d'une accusation très grave et elle était d'accord avec la manière choisie par la Couronne, soit le mandat d'arrêt visé.