Le représentant général d'Air Algérie au Canada, Abdelaziz Laouar, a été reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement une employée.

Le juge Louis A. Legault a rendu son verdict, hier, au palais de justice de Montréal. L'accusé de 59 ans a subi son procès l'an dernier sous deux accusations d'agression sexuelle.

Le ministère public reprochait à M. Laouar d'avoir embrassé à deux reprises une jeune employée dont il était tombé amoureux. Appelons-la Sabine. Il s'agit d'un nom fictif, puisque nous ne pouvons l'identifier en vertu de la loi.

Sabine a travaillé dans les bureaux d'Air Algérie de 2008 à 2010. Elle a perdu son emploi parce que son contrat n'a pas été renouvelé. Elle pense avoir été punie pour avoir dénoncé le comportement de M. Laouar.

De son côté, l'accusé a fait valoir au procès que les deux baisers reprochés étaient pure invention de la part de Sabine. Si elle a perdu son emploi, c'est parce que son travail laissait à désirer et qu'il y a eu des changements dans les manières de faire de la compagnie.

La plaignante plus crédible

Le juge Legault n'a pas retenu la version de l'accusé. «Si le témoignage de l'accusé impressionne par sa logique d'affaires, par un sens de stratégie des affaires, par l'admiration que même lui voue  la plaignante, il y a lieu de conclure à l'absence de crédibilité de l'accusé qui présente un témoignage réticent, vague, invraisemblable, non substantifié, argumentatif et évasif», écrit le juge dans une décision étoffée de 47 pages.

Le magistrat a plutôt cru la version de la jeune femme.

«Le témoignage de la plaignante est véridique, authentique, rendu sans animosité. La plaignante n'a pas travesti la vérité. Son témoignage a été rendu avec mesure et sans que la recherche de justice cède le pas à d'autres impératifs moins nobles», poursuit le magistrat.

En 2008, le patron et l'employée développent une relation d'amitié, de fraternité, voire de grande affection, note le juge. Puis en janvier 2009, il lui dévoile son amour par courriel. «La finesse de ton esprit n'en finit pas de m'étonner...», écrivait-il à Sabine.

Or, la jeune femme répond qu'elle n'a pas voulu autre chose qu'une relation amicale et professionnelle. Elle lui permet de lui témoigner son amour, mais en insistant sur le fait que de son côté elle le voit comme un ami.

Le juge décrit l'accusé comme un homme «brillant», un «homme qui avait besoin du consentement et de la participation de la plaignante pour qu'ils construisent ensemble la demeure de l'amour au cours de laquelle, deux fois, il lui imposera un baiser non consensuel».

M. Laouar est arrivé à Montréal en avril 2008, pour implanter Air Algérie. Sabine qui était employée d'une compagnie aérienne connexe à Montréal depuis 2007, craignait de perdre son emploi dans le chambardement. Au bout de quelques mois, elle a été embauchée par Air Algérie.

L'accusé a embrassé Sabine dans la voiture, en mars 2009, après un souper au restaurant. Au procès, elle a raconté avoir été désemparée par le geste.

Réaffectée à d'autres tâches

La jeune femme lui a ensuite exprimé dans un long courriel «son dépit de l'accentuation des pressions amoureuses de l'accusé». «Elle formule sa souffrance devant les pressions accentuées et ses attentes de réciprocité», souligne le juge.

Le second baiser est survenu en juillet 2010, dans un bureau de la compagnie aérienne. Il lui aurait effleuré un sein en même temps. Sabine était fâchée. Elle a par la suite été réaffectée à d'autres tâches, ce qu'elle n'a pas apprécié. Elle a demandé à M. Laouar de réintégrer son ancien poste, sans succès.

L'accusé est défendu par Me Charles Baudouin-Côté, alors que la poursuite est représentée par Nadine Haviernick et Pierre-Olivier Bolduc. Les représentations sur la peine auront lieu plus tard cette année.

- Avec Christiane Desjardins